CIAF - Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants

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    Porto-Novo
    Bénin
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  • Dernière rencontre : Avril 2004

Une partie de l'équipe du CI-AF

     Nous avons été reçues le 30 avril 2004 par Mme Victorine Odounlami, la présidente du Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants, accompagnée de quatre de ses collaborateurs qui nous ont expliqué tour à tour les actions menées par chacune des divisions de l'association.
Le CI-AF a été créé en 1984, à l'issue d'un séminaire international sur les mutilations génitales féminines (MGF) à Dakar au Sénégal. Son siège se trouve à Addis-Abéba en Ethiopie et l'organisation possède des antennes dans 26 pays. Le CI-AF / Bénin est né en 1991 et compte aujourd'hui plus d'une cinquantaine d'antennes dans les régions d'Atacora, de Borgou, du Zou, d'Ouèmè…

Contribuer à l'amélioration de la santé de la femme et de l'enfant

     Les principaux objectifs du CI-AF Bénin sont de :

  • Identifier et recenser les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants
  • Protéger et promouvoir les pratiques retenues comme positives : allaitement au sein, port du bébé au dos, bain quotidien et massage du nourrisson…
  • Initier et exécuter des programmes de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants : excision, infanticide, étirement du clitoris, mariages précoces ou forcés, gavage…
  • Publier toute information ou tout travail de recherche sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants.

Lutter contre les Mutilations Génitales Féminines (MGF)

     Pour Victorine Odounlami, « l'excision est un phénomène purement culturel et il est indispensable de s'abstenir de toute déclaration répressive lors des sensibilisations et de rechercher les fondements de cette pratique liée à l'analphabétisme et à l'ignorance des populations ». Il s'agit donc pour l'association d'agir :

Par Information-Education-Communication (IEC) et sensibilisations

  • Faire prendre conscience aux adolescentes et aux mères de l'importance de chaque organe du corps humain et des répercussions sanitaires des MGF ;
  • Montrer aux exciseurs et exciseuses les risques morbides liés à cette pratique ;
  • Informer les jeunes, les parents et les notables sur les méfaits de l'excision et le rôle des organes visés dans l'évolution et le bien-être de la personne humaine ;
  • Informer responsables sanitaires et élus locaux sur les moyens de lutter contre les MGF ;
  • Créer et animer un cadre de concertation des acteurs jouant un rôle dans le plaidoyer en faveur de l'éradication des MGF.

     Pour cela, le CI-AF/Bénin organise des sensibilisations grâce à ses antennes locales et utilise différents supports médiatiques : radios communautaires, émissions télévisées et publication trimestrielle d'un bulletin d'information et d'éducation intitulé « Suru », ce qui signifie patience.

Par des formations et le développement d'Activités Génératrices de Revenus (AGR)

     Après avoir effectué un recensement des exciseurs et exciseuses du Bénin, le CI-AF en a sélectionné un échantillon auquel il octroie des prêts. Ces anciens exciseurs ou exciseuses ont abandonné la pratique et sollicitent un crédit afin de pouvoir se reconvertir. Vingt et une exciseuses et quatre exciseurs de la région du Nord (qui est la plus touchée par l'excision) ont pu bénéficier de ce programme et recevoir une formation à la microfinance. La plupart d'entre eux ont choisi d'exercer des activités de petits commerce (vente de noix qui permettent de fabriquer de la moutarde, huile d'arachide…).

Par des sensibilisations des chefs coutumiers et traditionnels

     Le CI-AF a conscience du rôle joué par les chefs coutumiers et traditionnels dans la société béninoise. Elle les a donc sensibilisés, notamment pour avoir leur soutien pour l'adoption d'une loi interdisant les MGF.

Classification des MGF

  • Type I : clitoridectomie : ablation du capuchon et/ou de la totalité du clitoris
  • Type II : excision : ablation du clitoris entier et des petites lèvres
  • Type III : infibulation : ablation totale du clitoris, des petites lèvres et suture des grandes lèvres

     L'infibulation est la plus dangereuse des MGF. C'est l'ablation complète du clitoris, des petites lèvres et de la surface intérieure des grandes lèvres. Les deux côtés de la vulve sont ensuite suturés ensemble au moyen d'épines, de fils de soie…, de sorte qu'en cicatrisant, la partie restante des grandes lèvres forme un pont de tissus cicatriciel recouvrant le vagin. Une petite ouverture est ménagée par un corps étranger, pour laisser l'urine et le sang menstruel s'écouler. A l'accouchement, une nouvelle incision est nécessaire pour permettre le passage du nouveau-né. Après la naissance, les bords à vif des lèvres sont suturés de nouveau.

  • Autres pratiques néfastes :
    • Introcision ou agrandissement de l'orifice vaginal par déchirure ou incision du périnée ;
    • Etirement du clitoris et/ou des lèvres ;
    • Introduction de substances corrosives dans le vagin ou de plantes pour le resserrer ou le rétrécir ;
    • Piqûres, perforation, incision ou cautérisation par brûlure du clitoris ou des lèvres et grattage du tissu entourant l'orifice vaginal ou incision de la paroi vaginale antérieure et parfois postérieure.

     Comment se pratique l'excision ?

     L'excision consiste à couper une partie ou la totalité du clitoris, des petites et/ou grandes lèvres. Elle se pratique à l'aide de couteaux spéciaux, de scalpels, de morceaux de verre ou de lames de rasoir réutilisés sans être désinfectés. Généralement, aucun anesthésique ni antiseptique n'est utilisé. Des préparations traditionnelles à base de bouillies locales, de plantes, de cendres ou d'autres liquides sont fréquemment appliqués pour arrêter les saignements, mais sont parfois inefficaces, ce qui peut entraîner la mort.

     Les différentes régions du Bénin sont inégalement touchées par le phénomène. Ainsi, la région d'Atacora-Donga compte plus de 45% de femmes excisées, la région d'Alibori-Borgou, 57,7%, les collines du Zou, 10,4%. Les autres départements sont beaucoup moins touchés puisque moins de 2% des femmes y sont excisées.

     Pour beaucoup de Béninois, l'excision est une tradition culturelle à laquelle aucune famille ne doit échapper. C'est ce que nous a expliqué Mme Ruffino, trésorière de l'association. Dans sa région d'origine, on n'excise pas les petites filles, mais les femmes déjà mariées. Peu importe qu'elles soient enceintes ou qu'elles allaitent leurs enfants, la cérémonie se tient nécessairement dans un lieu public à une date déterminée longtemps à l'avance et est suivie par de nombreux spectateurs. De nombreuses femmes enceintes, choquées par cette mutilation, accouchent prématurément. Leur vie et celle de leur enfant sont alors mises en danger.
Dans d'autres régions, certains hommes exciseurs jettent une poignée de sable sur le sexe de la femme avant de l'exciser, tout en lui tournant le dos, pour ne pas être attirés par elle (car cela pourrait provoquer sa mort, selon la coutume). Et lorsqu'ils enlèvent le clitoris, le sable empêche le couteau de glisser. Une telle pratique constitue une source supplémentaire d'infections et donc de complications.

Les conséquences des MGF

  • Complications immédiates :
    • choc psychologique
    • douleurs et lésions des tissus adjacents
    • hémorragies et saignements
    • rétention urinaire aiguë
    • fracture et luxation
    • infections diverses dont sida
    • plaies et ulcères
  • Complications durables :
    • miction difficile
    • infections récurrentes des voies urinaires et infections pelviennes
    • stérilité
    • abcès à la vulve
    • difficultés menstruelles, problèmes pendant la grossesse
    • mort

Une action tournée tout particulièrement vers les jeunes

     Le point focal jeunesse, animé par Carmen Gaba, s'occupe également du problème des MGF en sensibilisant les plus jeunes aux dangers liés à cette pratique afin de faire évoluer les mentalités et que cette tradition ne se perpétue plus au sein des familles.
C'est ainsi que des spots télévisés et radiophoniques ont été réalisés et diffusés en français et en langues nationales pour sensibiliser le plus grand nombre. Des téléfilms de 15 et 32 minutes ont également été tournés par le CI-AF, en partenariat avec l'UNICEF. Nous avons pu visionner l'un d'eux qui dénonçait l'excision, l'isolement subi par les veuves, la spoliation de leur héritage et le lévirat. Ce film a d'ailleurs été primé au Fespaco, le festival du film africain qui se déroule tous les deux ans à Ouagadougou.

Plaidoyer pour l'adoption d'une loi interdisant les MGF

     Une loi interdisant les MGF au Bénin a été votée en janvier 2003 et est entrée en vigueur dès le mois de mars de la même année. Mais pour la présidente du CI-AF, la lutte contre les MGF est loin d'avoir pris fin puisque c'est désormais dans la clandestinité que s'exerce cette pratique, et qu'il est donc plus difficile d'identifier les exciseurs(euses), et donc les jeunes filles qui en ont été victimes.
La loi ayant été votée en français, l'association a entrepris un travail de vulgarisation auprès des populations vivant dans les régions où ces pratiques subsistent, notamment en faisant traduire le texte en plusieurs langues nationales.
La pratique de l'excision subsiste essentiellement dans les campagnes, l'association fait donc très souvent appel à ses antennes-focales pour sensibiliser les populations.

Lutter contre le VIH/Sida et les pratiques à risque en s'appuyant sur des pairs éducateurs

     C'est Madeleine Fatmo, la responsable à la formation et à l'éducation au CI-AF qui nous a présenté les activités de l'association dans ce domaine : des campagnes de sensibilisation et de prévention ont été lancées dans quatre départements béninois. Six groupes cibles ont été retenus :

  • les chauffeurs routiers
  • les femmes du marché
  • la jeunesse
  • les professionnelles du sexe
  • les adeptes du culte vaudou
  • différentes catégories socio-professionnelles (taxis, coiffeurs, tailleurs, couturiers...)

     L'association s'appuie sur ses antennes locales (qui sont composées de 1023 membres) pour toucher l'ensemble de ces populations et transmettre un message de prévention. Ce sont en effet elles qui sont le mieux à même d'identifier les différents membres de chacune des catégories précédemment citées.
Le CI-AF assure donc la formation de personnes relais, qui prendront peu à peu en charge l'animation des sensibilisations dans leur localité. Généralement, un pair éducateur est ainsi formé au sein de chaque catégorie.

     Le programme de lutte contre le sida entre également dans le cadre de la lutte contre l'excision puisque ce sont généralement les mêmes couteaux qui servent à exciser jeunes filles, bébés, femmes enceintes… sans être stérilisés entre chaque intervention.

Un important soutien de l'ambassade du Danemark

     L'ambassade du Danemark finance la majeure partie des activités du CI-AF qui reçoit également un soutien financier d'organes de l'ONU (UNICEF, FUNAP) pour différentes aides techniques et de l'OMS par le biais des ministères béninois.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.