SIN-DO « Ca émerge de la base »

  • Appartement K6
    Cité Ville Nouvelle
    Quartier Akpakpa
    04 BP 0731 Cotonou
    Bénin
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  • Dernière rencontre : Mars 2004

Flore-Emma Mongbo

     Fin mars 2004, nous avons rencontré Flore-Emma Mongbo, chargée de programmes de l'ONG SIN-DO, et Fabrice Dossou-Kago, animateur de l'ONG, au siège de l'association. Mme Mongbo nous a présenté avec beaucoup d'enthousiasme et de volubilité les activités de l'association à laquelle elle consacre la majeure partie de son temps.

Agir dans la région de Sèhouè

     SIN-DO a été créée en 1996, à la suite d'un master sur le thème « Genre et Développement au Bénin », mené par l'actuelle directrice de l'ONG et sa sœur, Flore-Emma Mongbo. Toutes deux ont décidé d'étudier la zone de Sèhouè, région rurale et pauvre du Bénin, déclarée « non crédible ». En effet, cette région était très endettée, surtout vis-à-vis de la Caisse Locale de Crédit Agricole et Mutuel. Les ONG ne voulaient donc pas y intervenir et aucune structure de micro-crédit n'y avait été mise en place. Au cours de leur enquête, les deux sœurs se sont rapprochées des femmes qui leur ont fait part de leur besoin d'accéder au crédit. Elles ont alors commencé à leur donner de petits conseils, pour qu'elles s'organisent en associations puis en tontines. Et c'est ainsi que l'ONG SIN-DO est née pour répondre à aux besoins particuliers des femmes de Sèhouè.

Aider les communautés rurales, notamment les femmes et les enfants, à sortir de la précarité

     SIN-DO a pour mission d'œuvrer pour le développement humain durable au Bénin, à travers différentes actions participatives, avec et pour les couches sociales pauvres, notamment les femmes et les enfants. Pour cela, l'ONG souhaite aider les communautés désavantagées à identifier leurs problèmes et à mener des actions adaptées pour une meilleure satisfaction de leurs besoins économiques et sociaux.

Un mode de vie difficile pour les femmes

     La région de Sèhouè se caractérise par de très faibles taux d'alphabétisation et de scolarisation. Les femmes y sont très peu soutenues par leur mari. En effet, celui-ci ne doit pas nécessairement subvenir aux besoins de sa famille. C'est donc la femme qui doit se prendre en charge ainsi que ses enfants : elle doit trouver la nourriture, payer les dépenses de santé, tenir le foyer… Ayant déjà des difficultés pour réunir l'argent nécessaire à une bonne alimentation, il lui est pratiquement impossible de financer la scolarisation de ses enfants.

Différents types de crédit accessibles aux femmes

     Pour l'ONG SIN-DO, le développement de cette région passe nécessairement par l'accès au crédit, afin de permettre aux femmes de mener des AGR.

     Les crédits les plus fréquents, dits « crédits ordinaires » sont de type hebdomadaire sur un cycle de six mois. Pour Flore-Emma Mongbo, des remboursements rapprochés permettent à la fois aux femmes et à l'ONG de mieux gérer les crédits. En effet, la somme à rembourser chaque semaine est moins élevée et surtout, en cas de non-remboursement, l'ONG peut intervenir rapidement. L'une des animatrices qui réside dans la région de Sèhouè va voir la femme qui n'a pas payé pour discuter avec elle, comprendre les raisons qui l'ont amenée à être défaillante et la convaincre qu'il est nécessaire de s'acquitter de ses remboursements hebdomadaires si elle veut garder une certaine crédibilité dans son village et si elle veut continuer à avoir accès au crédit. Dans certains cas, l'animatrice ignore la personne défaillante et ne la salue pas quand elle la croise, ce qui porte atteinte à son honneur et la pousse à rembourser. Lorsque la femme est défaillante pour des raisons de santé, de décès, de vol ou de mauvaise vente chronique, l'animatrice se montre généralement compréhensive et accorde des délais de remboursement, tout en aidant la femme à faire face à cette situation.

     L'ONG propose également des crédits journaliers sur un cycle d'un mois. En outre, l'association avait mis en place des crédits de spéculation, avec des remboursements mensuels et sur un cycle assez long, et des crédits de tontine qui permettaient aux femmes se regroupant en tontine de recevoir un appui financier de SIN-DO. Mais ces deux types de crédit ont dû être arrêtés car ils entraînaient trop d'impayés.

     Les crédits sont systématiquement accompagnés de formations et de sensibilisations . D'après Flore Mongbo, il est en effet indispensable de rappeler régulièrement aux femmes ce à quoi elles se sont engagées en empruntant.

     Enfin, SIN-DO propose des « crédits scolaires » qui doivent permettre aux femmes de payer les frais de scolarisation de leurs enfants. Les remboursements sont mensuels sur un cycle de 5 mois. Cependant, ce crédit pose quelques problèmes d'impayés notamment dans le cas des femmes bénéficiant déjà de crédits ordinaires.
Depuis sa création, l'ONG a accordé plus de 4000 crédits.

     La majorité des activités de micro-finance sont financées sur fonds propres, qui sont généralement des dons effectués par la directrice de l'association, sa sœur ou son frère. L'association Brücke Le Pont soutient également ces projets.

Œuvrer pour l'alphabétisation des femmes

     En 1999, les femmes de la région de Sèhouè ont sollicité l'ONG pour qu'elle mette en place des classes d'alphabétisation. SIN-DO a alors demandé au Comité pour la Coordination Départementale de l'Alphabétisation (CCDA) de former neuf femmes de la région, sélectionnées selon leurs motivations et aptitudes. Mais c'est la Coopération Suisse qui a financé la formation. Six des neuf femmes formées dispensent actuellement des cours d'alphabétisation en langue nationale. Quatre des maîtresses ne sont pas rémunérées mais ont un accès au crédit facilité. Les deux autres maîtresses qui sont également animatrices, sont salariées car elles occupent d'autres fonctions au sein de l'ONG. Les classes durent deux heures et ont lieu deux fois par semaine. Ce sont les femmes qui doivent acheter leur propre matériel didactique.
Depuis sa création, 350 femmes ont suivi les classes de néo-alphabétisation dispensées par SIN-DO. Un programme de post-alphabétisation, avec notamment l'apprentissage du français fondamental a été mis en place, mais les femmes ne sont pas encore très motivées et il n'y a eu pour le moment que 200 apprenantes.

     SIN-DO a reçu pour cette activité d'alphabétisation l'appui de la Coopération Suisse et de l'ONG canadienne Développement et Paix. Mais elle est toujours à la recherche de nouveaux partenaires.

Promouvoir la scolarisation des enfants, et particulièrement des « filles du marché »

     Pour Flore Mongbo, la pauvreté est la principale cause de la non-scolarisation des filles. Les pesanteurs socioculturelles constituent également un frein à leur scolarisation. En effet, de nombreux parents considèrent qu'une fille scolarisée refusera le mariage forcé et ne respectera ni ses parents ni son mari. Et pourquoi dépenser de l'argent pour l'éducation d'une fille dont la belle-famille récoltera les fruits ?
Hormis les « crédits scolaires », l'ONG a d'autres moyens d'action pour scolariser les jeunes. Elle a notamment réuni des jeunes filles déscolarisées, ayant entre 7 et 13 ans, dites « filles du marché », car elles sont souvent responsables non seulement de leur survie mais aussi de celle de leur famille. Une quinzaine de filles se regroupent donc tous les lundis, jour creux en matière d'activité économique, pour suivre des cours d'alphabétisation dispensés par les animatrices de SIN-DO.

     L'ONG a également organisé un club de jeunes qui se réunit une fois par mois. Il regroupe des jeunes en école primaire et a pour but de les éveiller et de les motiver à rester scolarisés. A chaque réunion, un nouveau thème est abordé. Le dernier sujet évoqué concernait les facteurs qui poussent les enfants à abandonner l'école : la mauvaise formation reçue par les enseignants communautaires, le prix du matériel scolaire, les grèves à répétition dues à une mauvaise gestion du Ministère de l'Education…
SIN-DO s'attache également à convaincre les parents de la nécessité de scolariser leurs enfants, en leur faisant comprendre par exemple qu'ils représentent leur pension de retraite.
Enfin, l'association organise des cours de vacances pour que les enfants ne perdent pas tous leurs acquis et que « leurs parents ne les bloquent pas trop aux champs ».

Lutter contre le phénomène de vidomégon afin de promouvoir une enfance heureuse

Le phénomène Vidomégon

     En 2003, SIN-DO a mené une recherche-action sur le phénomène de vidomégon qui touche principalement des jeunes filles rurales. Celles-ci sont envoyées à la ville, confiées à des familles qui, dans leur majorité, les exploitent. Elles sont non seulement chargées de la maison et des enfants, mais doivent aussi mener des activités de commerce et ne reçoivent que très peu d'argent pour se nourrir.
L'étude a porté sur 108 filles vidomégons à Cotonou. Après avoir repéré les jeunes filles et analysé les raisons de leur placement au cours d'entretiens sur une période de six mois, l'association a mis en place des séances de counseling destinées à la fois aux vidomégons, à leurs parents et à leurs tutrices et a diffusé des émissions de sensibilisation à la radio.
A l'issue de cette enquête, certaines filles ont pu être réinsérées dans leur famille et d'autres suivre un apprentissage. D'autres jeunes filles sont actuellement en négociation avec leurs tutrices pour pouvoir être placées en apprentissage. D'autres encore ne veulent ou ne peuvent rentrer chez elles et ont été placées dans un centre de religieuses.

     Ces actions ont été financées par l'ONG canadienne Développement et Paix. Mais le financement est pratiquement terminé et SIN-DO est à la recherche de nouveaux partenaires pour continuer ses activités dans ce domaine.

Le concept de vidomégon

     Il fait référence à une pratique fréquente en Afrique qui consiste à placer un ou plusieurs de ses enfants. Considéré comme une marque d'entraide mutuelle et de solidarité entre familles, le placement d'enfants concerne autant les filles que les garçons. Le mouvement s'effectue toujours dans un sens unique : les enfants de familles pauvres sont envoyés vers des familles plus aisées et très souvent des zones rurales vers les villes. La principale cause de ce phénomène est le souci des parents de voir évoluer leurs enfants dans les centres urbains pour pouvoir aller à l'école ou apprendre un métier et pour bénéficier d'un environnement susceptible de leur garantir un meilleur avenir.

     Ce système a fonctionné pendant plusieurs années et a contribué à la promotion de nombreux enfants. Aucune rétribution n'était alors perçue par les parents de l'enfant placé. Mais depuis quelques années, on associe de plus en plus à cette pratique les notions de mercantilisme, d'exploitation et de maltraitance.

     Ainsi s'est développée au Bénin une forme inacceptable du placement d'enfants connu sous le vocable de « Phénomène Vidomégon ». Le phénomène a en effet pris au fil du temps la forme d'une exploitation pure et simple des enfants, notamment pour les travaux domestiques, la garde d'enfants et les activités commerciales. C'est avant tout la baisse des revenus déjà extrêmement faibles des familles vivant en milieu rural qui pousse les parents à accepter de confier quelques-uns de leurs enfants à un parent proche ou un placeur qui leur promet monts et merveilles. L'enfant placé est désormais souvent une fille. Il est envoyé par ses parents ou par des tiers auprès d'autres parents ou de personnes étrangères à la famille et pris en charge par ceux-ci en échange de services domestiques et commerciaux. Il peut bénéficier ou non d'une rémunération misérable que récupèrent souvent les placeurs ou les parents eux-mêmes.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.