Somda Calixte, Maxime Nikiema et Koffi Amétépé
Nous avons rencontré pour la première fois en mars 2004 les membres du Réseau national de lutte anti-corruption dans un bureau de l'association, où M. Luc Damiba nous avait reçues. Cet ancien journaliste s'est totalement engagé dans cette lutte malgré les menaces et les dangers encourus, car la corruption est pour lui l'un des plus gros freins au développement du pays. Il ne manque pas d'exemples pour illustrer ses propos et dénonce à la fois les pratiques de corruption à petite échelle (petites sommes ou pots de vins versés aux fonctionnaires de police - secteur le plus corrompu) et à grande échelle, telles les manœuvres de détournement des fonds publics ou des aides internationales. C'est ainsi que la route Bobo Dioulasso – Ouagadougou, construite grâce à un financement de l'Union Européenne à hauteur de 11 milliards de francs CFA, n'a selon lui été entretenue que pendant une année...
Le 20 juillet 2007, M. Maxime Nikiema, gestionnaire de programme, M.Somada Calixte, chargé des enquêtes et M. Koffi Amétépé, chargé de l'information et de la communication, nous avaient reçues à nouveau et nous avaient expliqué en détails les objectifs et les activités de l'association.
En mai 2008, nous retrouvons Mr. Calixte, accompagné de Mammadou Coulibaly, qui nous font part des difficultés et des projets à venir pour le REN-LAC.
Le REN-LAC, créé en 1997 par des organisations de la société civile, est une organisation non-gouvernementale, indépendante et à but non lucratif. L'association est actuellement composée de 30 associations (ONG de développement, de défense des consommateurs, de défense des droits humains, organisations de femmes et de jeunes, syndicats, organisations professionnelles…), qui avaient toutes en amont un programme de lutte contre la corruption dans le cadre de leurs activités. Ces associations considèrent en effet que la corruption est l'un des plus importants freins au développement du Burkina Faso.
Actuellement, le secrétariat exécutif de l'association compte 7 salariés.
Le REN-LAC s'est fixé comme mission d'oeuvrer pour la garantie de la bonne moralité et de la transparence dans la gestion des affaires de la cité. A ce titre, il se fixe les objectifs suivants :
Chaque année, le REN-LAC réalise des sondages dans dix secteurs d'action qui ont été divisés en dix sept en 2008. Ces dix secteurs sont :
Dans chaque secteur, le REN-LAC mène des enquêtes et des sondages auprès des usagers et du personnel afin de publier un rapport annuel sur l'Etat de la corruption au Burkina Faso. Il recueille les témoignages et les plaintes des citoyens sur les actes de corruption. Le REN-LAC estime que chaque citoyen doit dénoncer les actes de corruption : « votre silence est complice et vous rend aussi coupable du sous-développement du Burkina ».
Tout le monde est concerné par les pratiques de corruption. Afin de sensibiliser le plus grand nombre, le REN-LAC réalise des émissions mensuelles et hebdomadaires dans les radios, publie des articles dans des quotidiens comme L'Observateur Paalga (« Corruption dans la Cité ») ou encore sur Internet, et met en scène des pièces de théâtre sur la corruption en provinces. Le REN-LAC organise également des conférences et des séminaires sur la lutte contre la corruption (Conférence sur le thème « Corruption et lutte contre la pauvreté », Maison du Peuple, Ouagadougou, 8 mars 2004).
En 2008, le chargé des enquêtes, Somda Calixte, nous a fait part des perspectives d'avenir du réseau. Cette année le secrétariat exécutif a mis en place un nouveau plan stratégique pour les années 2008 a 2012. Il s'agit de définir de nouveaux axes pour orienter le travail du reseau. Tout d'abord, l'association envisage de produire des connaissances fiables à disposition de la population et de travailler sur la conscientisation et la sensibilisation à travers des activités telles qu'un "théâtre-forum" et des bandes-dessinées pour enfant. Il s'agit également de faire des plaidoyers auprès des leaders d'opinion et de tenter d'influencer les politiques à travers des lobbies. Le REN-LAC insiste pour effectuer des sondages auprès des populations pour évaluer ses performances et l'impact de ses activités. Pour l'instant il manque à peu près 30% des financements pour mettre ce projet en oeuvre. Enfin, le REN-LAC espère renforcer ses capacités organisationelles pour plus de fluidité et d'efficacité. Plus qu'une lutte contre la corruption, ce réseau s'attaque aux difficultés d'établir un réel développement Humain et digne au sein de la pauvreté et de l'analphabetisme.
Somda Calixte dénonce en 2008 une corruption qui devient systémique dans la mesure où elle touche toutes les professions et tous les milieux. Il se plaint d'un manque de sanctions affligeant et d'une loi qui n'est que circonstancielle. Le REN-LAC continuera à lutter pour la dissemination de l'information, car le manque de transparence et la pauvreté engendrent souvent la corruption.
Lors de notre première rencontre, Luc Damiba soulignait que si les populations sont de plus en plus sensibles aux menaces que la corruption fait peser sur le développement du pays, un changement des pratiques ne pourra venir que d'un double mouvement : d'une part, que « la base limite ces pratiques et les dénonce », mais d'autre part que les personnalités au pouvoir (économique, juridique et politique) participent également à cet effort.
Face à ce constat, si le REN-LAC s'occupe surtout de la corruption à petite échelle, celle qui touche la population dans son ensemble, l'association a également des objectifs de long terme : s'attaquer à la grande corruption, celle qui touche les sommets de l'Etat.