WiLDAF - Women in Law and Development in Africa

WilDAF/FeDDAF : un réseau panafricain pour la promotion des droits des femmes

     Le WilDAF est un réseau panafricain rassemblant 500 organisations et 1200 individus en vue de promouvoir une « culture de l'exercice et du respect des droits des femmes en Afrique ». Cette ONG à but non lucratif a été créée lors d'une conférence régionale tenue à Harare au Zimbabwe en février 1990 et dont le thème était « Femmes, Droit et Développement : réseau pour l'habilitation de l'Afrique ». Le réseau a donc pour but de promouvoir principalement auprès des femmes la bonne connaissance et l'utilisation efficace de la loi pour l'auto-développement de la communauté, de la sous-région et de la région.
Le bureau du WilDAF en Afrique de l'Ouest s'est ouvert en avril 1997 à Lomé, au Togo. Le réseau couvre dix pays dans cette région du monde : le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Ghana, le Mali, le Nigeria, le Sénégal, le Togo et le Niger. Il possède également un site Internet : http://www.wildaf-ao.org/.

Aïssatou Ouedraogo, chargée des programmes du réseau WilDAF

     A Ouagadougou, nous avons rencontré M. Evariste Aimé Ouedraogo pour la première fois en février 2004 puis Mme Aissatou Ouédraogo, chargée de programme de WilDAF-BF le premier août 2007. Elle s'est montrée ravie de pouvoir renouveler le partenariat avec Courants de Femmes et nous avait présenté les activités de WilDAF-BF réalisées depuis 2004. En 2008, nous avons rencontré Mme Dakoure, la directrice, puis revu Mme Aissatou Ouedraogo, qui nous ont parlé des projets en cours.

     WilDAF-Burkina Faso est présente depuis 1998 à Ouagadougou et compte plusieurs associations-relais dans les provinces, dont l'Association des Femmes Juristes à Bobo-Dioulasso, Tin Toua à Fada, AMI à Ouahigouya…. WilDAF-BF constitue un réseau de 27 associations membres et d'une dizaine de membres individuels. L'association dispose de « personnes ressources » dans tous les domaines dans lesquels elle intervient : des juristes en majorité mais aussi des formateurs, des sociologues, des spécialistes en éducation sociale, des assistantes sociales, des mathématiciens, des géologues, des économistes…

     En 2004, M. Evariste Ouédrago avait souligné que le Code des Personnes et de la Famille du Burkina Faso constitue l'un des meilleurs écrits en la matière en Afrique de l'Ouest, ce qui est confirmé par Mme Ouédraogo en 2007. Les termes « révolutionnaires » qu'il contient sont actuellement en révision. C'est donc plus l'application du Code qui pose problème que son contenu.

     Depuis 2006, Le WilDAF-BF mène des activités de sensibilisation et d'information auprès des acteurs judiciaires, extra-judiciaires (chefs coutumiers, religieux, enseignants...) et des populations. En 2006, l'association a formé 150 acteurs judiciaires, 150 acteurs extra-judiciaires et 150 animateurs(trices) qui servent de relais. A l'occasion de ces formations, l'association distribue des kits (au nombre de dix) d'explication en langage simplifié du code de la famille. Des thèmes tels que le mariage forcé, la succession ou le divorce sont traités dans ces kits.

     Depuis 2004, l'association organise également chaque année des journées de sensibilisation sur les violences domestiques dans les écoles. A l'occasion de ces journées sont organisés des pièces de theâtre, des forums et des conférences-debats dans le but de toucher le plus large public possible. Actuellement, 10 établissements ont bénéficié de ces journées de sensibilisation organisées avec l'appui de l' UNICEF.

     L'association réalise également des émissions radio en trois langues nationales. Ces émissions sont animées par des juristes, et les femmes appellent directement pour poser les questions qui les préoccupent. De nombreux thèmes sont abordés tels que l'importance du mariage civil, la succession, le divorce, la garde des enfants après la mort du mari.

     A l'occasion du 8 mars, Journée Internationale de la Femme, fériée au Burkina, le WilDAF-BF organise également une émission radiophonique en mooré et en français sur les droits des femmes, diffusée sur la radio nationale (99.9 FM). Depuis 2004, elle organise également pendant plusieurs semaines un mariage civil collectif qui a juridiquement scellé l'union de plusieurs dizaines de couples en milieu rural.

La file des mariés

Aïssatou Ouedraogo et Mme Kabore, directrice de l'association WilDAF

     En 2008, lors de la journee de la Femme, le 8 Mars, WILDAF a participé à une activité qu'elle poursuivra sur questions de genre et de gouvernance, organisée par l'Ambassade des Etats-Unis. D'ici 2010, le réseau espère étendre ce programme dans tout le pays. En effet, le WILDAF déplore le fait que le marché du travail et le monde du travail en général soient clairement divisés selon le genre. L'association trouve qu'une telle segmentation doit prendre en compte une analyse de l'impact des politiques macroécomiques sur la croissance, l'emploi et la réduction de la pauvreté. Pour l'instant, le travail le plus important de WILDAF reste la formation de ces parrains juristes à travers le pays, qui deviennent des références en termes de légalité et de juridiction au Burkina. Une des activités phares de l'association sera d'étendre ce travail dans les zones les plus rurales du pays.

     Tous les WiLDAF présents en Afrique de l'Ouest ont reçu pour 2002–2004 un financement de l'Union Européenne pour la mise en œuvre d'un programme de renforcement des capacités des acteurs judiciaires (magistrats, policiers, avocats, autorités coutumières...). Ces formations ont bénéficié à 500 acteurs. Des études ont ensuite été menées par des magistrates-consultantes sur un échantillon de 150 personnes afin de mesurer l'impact de ces formations. Les premiers résultats révèlent un taux de réussite d'environ 60%, ce qui signifie que plus de la moitié des bénéficiaires du programme ont modifié leur façon de travailler (davantage de recours à lécrit, utilisation de registres par les autorités coutumières) et leurs conseils juridiques, en prenant en compte les enseignements délivrés lors des formations. Les magistrats ont pu prendre connaissance des textes internationaux qui s'imposent aux textes nationaux.

     Evariste Ouédraogo nous explique que les chefs coutumiers représentent un groupe cible parfois difficile à toucher, mais ces chefs ont souvent une bonne intelligence des problèmes en raison de leur niveau d'éducation (ce sont souvent d'anciens fonctionnaires). D'autre part, ce programme a permis de développer un réseau d'interconnaissances entre les différentes autorités locales (chefs coutumiers, magistrats, policiers…), qui facilite la circulation de l'information.

Mariages civils collectifs à Lougsi : Jeudi 11 mars 2004

« Je vous déclare unis par les liens du mariage #187;

     A l'occasion de la journée de la femme, l'association WilDAF, en partenariat avec plusieurs associations de promotion féminine, a organisé un mariage civil collectif dans le village de Lougsi qui se situe à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Ouagadougou. Soixante-trois couples, dont trois polygames, ont officialisé leur union devant le Préfet, ce qui a permis aux femmes de ce village de bénéficier des droits garantis aux épouses dans le code civil.
Les membres de WilDAF-BF nous avaient proposé d'assister la cérémonie. Nous sommes donc parties sur les pistes en minibus, accompagnées par des membres du WilDAF et les représentantes des associations partenaires. Nous avons traversé la brousse et dépassé plusieurs villages de huttes traditionnelles totalement déserts, avant d'arriver au village de Lougsi, où une foule d'enfants curieux nous a accueillies.

     Pour l'occasion, des chapiteaux avaient été dressés sur la place du village, le principal abritant, non sans peine, les quelques 130 futurs époux. De tous âges, parfois accompagnés de leurs enfants, les couples étaient en costumes de ville, en habits traditionnels ou en vêtements de tous les jours. Ils étaient entourés par les invités officiels, femmes représentant des organisations féminines en boubous colorés, représentantes de l'ambassade des Etats-Unis, représentant du représentant de l'UNICEF au Burkina…

     Les futurs époux ont écouté le préfet leur rappeler les principes du mariage civil, ses droits et ses devoirs. Il a insisté en français puis en mooré sur l'importance du mariage civil pour protéger les doits des femmes. « Un acte de mariage est une preuve officielle qui permet d'apporter plus de paix et de stabilité dans le foyer », a-t-il expliqué avant de demander leur consentement aux couples qui l'écoutaient, debout. Un oui collectif et massif s'est alors élevé, suivi des applaudissements des villageois regroupés autour des chapiteaux.
Après cette intervention officielle, les 63 couples sont passés un à un devant le préfet qui a officialisé leur union d'un « Au nom de la loi, je vous déclare mari et femme », répété soixante-trois fois. Des cris de joie ont fusé quand une mariée, déjà grand-mère, s'est enhardie à embrasser tendrement son vieux mari sur la joue...

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.