AJM - Association des Juristes Maliennes

  • BP E 1094
    Bamako
    Mali
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  • Dernière rencontre : Août 2008

Maître Maïga, présidente de l'AJM

     Nous avons rencontré pour la première fois l'Association des Juristes Maliennes (AJM) au tout début de notre second séjour à Bamako en juillet 2005. Pour être membre de cette association, il faut être une femme juriste, c'est-à-dire avocate, juge, notaire... L'AJM est donc une association corporatiste, qui appartient à l'Organisation Mondiale des Femmes Juristes. Cette association s'est récemment rapprochée d'une organisation similaire, l'ODEF (Observatoire des Droits de l'Enfant et de la Femme), qui accepte quant à elle des femmes venant de tout horizon socioprofessionnel. Sa présidente, Maître Maïga, nous a invitées à suivre une conférence sur un accord international que le Mali vient de signer : le protocole additionnel à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, relatif aux Droits des Femmes.

     Lors du projet de 2006, nous avons rencontré Maître Fatmata Dicko Zouboye, notaire et secrétaire générale de l'association. L'AJM compte environ une cinquantaine de membres actifs.

     En 2008, l'AJM célébrait ses vingt ans en organisant une grande fête à l'hôtel Salam réunissant juristes, associations et représentants du gouvernement. Cet événement a aussi été l'occasion de faire un bilan sur l'action de l'association, les changements qu'elle a accompagnés ainsi que les difficultés encore présentes dans la société.

     L'AJM a un triple objectif :

  • Aider les femmes dans leurs démarches juridiques et administratives
  • Vulgariser les textes de loi auprès des femmes pour leur faire connaître leurs droits
  • Organiser la relecture des textes discriminatoires en regard des textes internationaux, pour faire évoluer le droit malien en direction d'une plus grande égalité hommes/femmes.

Apporter un soutien juridique aux femmes

     L'AJM aide les femmes maliennes, quelle que soit leur catégorie sociale, lorsque celles-ci ont affaire à la justice, notamment en cas de conflits avec leur époux, ou dans le cas des héritages.
Maître Maiga nous explique qu'il n'existe aucune loi précise concernant les droits de succession au Mali.On applique la règle du groupe auquel l'individu appartient. Pour les musulmans, la loi coranique s'applique : une femme hérite de la moitié de ce dont hérite un homme. Les rares chrétiennes sont mieux loties et ont souvent une part égale à celle d'un homme. Les femmes animistes ne touchent absolument rien, quand elles ne sont pas considérées comme partie intégrante de l'héritage et mariées au frère ou au fils de leur mari (phénomène du lévirat).
La présidente nous parle ainsi de sa lutte contre le lévirat, même si celui-ci a presque disparu au Mali : dans la tradition tribale, quand une femme perd son mari, elle est automatiquement mariée au frère de celui-ci. En plus de son caractère rétrograde, cette pratique est dangereuse pour la santé du futur époux car, comme nous l'explique Maître Maïga, « si un homme est mort de sida, il a sans doute infecté sa femme, qui contaminera à son tour son nouveau mari et par ce biais, toutes ses femmes ».

Faire entrer les nouvelles lois dans les mœurs

     Le Mali a fait d'énormes progrès depuis la démocratisation de 1992 en ce qui concerne les droits de la femme, grâce notamment aux nombreux textes internationaux qu'il a signés. Malheureusement, les femmes bénéficient rarement de ces progrès par méconnaissance des textes.
L'exemple le plus parlant est celui de la répudiation : celle-ci est interdite au Mali. Cependant, de nombreux couples, notamment en « brousse », ne se sont pas mariés à la mairie et n'ont fait qu'un mariage religieux. Ils ne sont donc pas mariés officiellement, même si ce mariage est reconnu au sein de leur communauté. Si l'homme décide de répudier sa femme, celle-ci n'a aucun recours, car il n'y a pas de contrat de mariage.

     La conférence à laquelle nous avons assisté en juillet 2005 avait pour but de vulgariser un texte nouveau, le protocole additionnel à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, relatif aux Droits de la Femme, auprès des membres de l'association, pour que celles-ci le transmettent à leur tour le plus largement possible.

Modifier les textes existants

     L'arme principale de l'AJM pour faire évoluer le droit malien repose sur les traités internationaux signés par le pays. Pour que ces derniers s'appliquent réellement, il faut en effet modifier l'arsenal juridique. Là encore, on peut illustrer l'action de l'AJM par plusieurs exemples. Les relations familiales sont régies par le code du mariage et de la tutelle. Ce texte, qui date de 1962, est très discriminatoire ; la femme y doit par exemple « obéissance à son mari ». Or, de nombreuses dispositions de ce texte entrent en contradiction avec les textes plus récents signés par le gouvernement. Ce texte a donc été réformé cette année par un comité, auquel l'AJM participait.

     Enfin, si l'excision est désormais interdite par le protocole additionnel, il va falloir faire passer, dans les années à venir, cette interdiction dans les lois maliennes.

     Tout ce travail a été récompensé : Maître Maiga a reçu la distinction de « pionnière » de l'Association des Femmes Juristes Africaines. Après la conférence, nous avons donc assisté à la remise de ce diplôme, qui a été l'occasion d'un petit cocktail.

Perspectives et difficultés

Maître Zouboye

     L'association suit actuellement un programme en coopération avec la Banque Mondiale pour appuyer les personnes de milieux défavorisés. L'anniversaire de ses vingt ans a été aussi l'occasion pour l'association de faire un bilan de ses actions passées. Les mentalités ont bien évolué notamment grâce à une longue action de fond de sensibilisation et un travail sur le terrain afin de se faire connaître et d'agir concrètement. De plus en plus de femmes ou jeunes filles, qui ont connu l'association par le juge ou par le bouche à oreille, viennent demander des conseils, de l'aide ou un suivi dans leurs démarches. Le succès de ces actions a incité ces femmes à vouloir faire face à leurs difficultés et à se battre pour leurs droits.
Cependant, malgré les progrès obtenus et la contribution de l'AJM dans la prise en compte des Droits de la Femme et de l'Enfant dans les lois, plans et programmes, la situation de la femme reste encore préoccupante sur de nombreux points. Son action reste donc plus que jamais nécessaire dans les années qui viennent.
Parmi les perspectives futures, on peut citer :

  • La poursuite du plaidoyer auprès des décideurs pour accompagner la volonté des associations féminines en faveur de l'adoption immédiate du projet de code de la famille et des personnes;
  • La formation des parajuristes et le renforcement de leurs capacités;
  • L'établissement d'un partenariat fort avec le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida justifié par le lien étroit entre la faiblesse du statut juridique des femmes et leur vulnérabilité au VIH et au Sida.

     Cependant l'association rencontre quelques difficultés principalement à cause de manque de financements ou de leur ponctualité. Ainsi, le centre de Kayes a dû être temporairement fermé et l'obtention d'un siège équipé et de moyens logistiques reste encore un projet en attente de financements. Néanmoins, l'AJM reste une association dynamique avec de nombreuses perspectives pour renforcer la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants au Mali.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.