IAMANEH-Mali

  • Hippodrome
    Rue 232, porte 507
    BPE 2242
    Bamako
    Mali
  • (223) 221 60 48
  • iamaneh_suisse@cefib.com
  • Dernière rencontre : Juillet 2008

Mme Dolo Oumou et Dr Kadiatou Keita

     En janvier 2003 puis en août 2005, nous avons rencontré la Dr Kadiatou Keita, médecin pédiatre représentante de l'ONG suisse IAMANEH (International Association for Maternal and Neonatal Health) qui s'occupe du projet d'appui aux femmes fistuleuses du Mali. Nous avons également discuté avec la coordinatrice du projet, Mme Dolo Oumou. Toutes deux nous ont expliqué les causes et conséquences de la fistule pour les femmes africaines et nous ont présenté les activités respectives de l'association Benkadi et de l'ONG.

     En juillet 2006, nous avons repris contact avec l'association, mais en réalité Iamaneh-Suisse travaille désormais avec une nouvelle association, créée en décembre 2005, qui remplace Benkadi. Benkadi était en effet plus un bénéficiaire qu'une association capable de gérer les projets sur le terrain. Comme l'objectif de Iamaneh-Suisse n'était pas d'agir directement sur le terrain, l'ONG a décidé de confier le projet à une nouvelle association, Iamaneh-Mali, qui a vocation à intervenir dans le domaine de la santé. Pour l'instant, c'est une toute nouvelle association, qui cherche encore à s'organiser (recherche de locaux, de matériel, de partenaires...). Elle est cependant déjà active, puisque Iamaneh-Suisse lui a confié la gestion du projet de fistule.

La fistule

Une pathologie spécifique à l'Afrique

     Il s'agit d'une déchirure des tissus, le plus généralement entre le vagin et la vessie (fistule vésico-vaginale), parfois entre le vagin et le rectum. L'urine et parfois les selles s'écoulent alors de manière continue et incontrôlable. A cela s'ajoutent souvent des infections et des difficultés à se déplacer.
Les causes sont toujours un accouchement difficile, trop long : la tête du bébé appuie trop longtemps sur la vessie et le rectum qui peuvent finir par se déchirer.

     Les différents facteurs sont :

  • L'accouchement à domicile non assisté (97% des accouchements au Mali).
  • L'éloignement des centres de soins pouvant, par exemple, pratiquer rapidement une césarienne.
  • L'excision, qui accroît également le risque. Cette mutilation crée des chéloïdes (cicatrices en bourrelet) qui rendent la dilatation du vagin difficile et compliquent l'accouchement.
  • Le mariage précoce, qui constitue un autre facteur aggravant dans la mesure où les organes ne sont pas encore prêts pour un accouchement.
  • La taille et le poids de la femme (elle doit peser au moins 50 kilos pour éviter les complications).

     L'OMS estime que le nombre de femmes souffrant de fistule s'élève à 40 ou 50 000 en Afrique de l'Ouest. C'est surtout dans les villages que les femmes sont touchées, parce qu'il n'existe pas de consulatation prénatale, et parce que c'est là que les croyances sont les plus fortes. Un traitement est possible par une opération chirurgicale. Souvent, plusieurs opérations sont nécessaires pour arriver à une guérison complète. Au Mali, seuls les hôpitaux de Bamako (Point G) et de Mopti la pratiquent. En 2005, l'association a formé du personnel d'un centre de soins de Ségou, au traitement de la fistule. Actuellement, seulement sept médecins dans tout le Mali sont capables d'opérer les femmes de la fistule, car la formation de chirurgiens coûte très cher. Près de 300 cas de fistule ont néanmoins pu être pris en charge par l'association depuis le début du projet (une cinquantaine par an).

Une souffrance honteuse

     Pour une femme africaine, la fistule signifie l'exclusion familiale et sociale : l'odeur d'urine due à l'incontinence oblige les fistuleuses à vivre recluses, souvent dans une petite case loin des autres. Les gens refusent de manger la nourriture qu'elles préparent ; elles sont considérées comme des impures, des parias. Les divorces pour ce motif sont fréquents et leur famille, ignorant généralement qu'un traitement est possible, ne leur apporte aucun soutien. Ces jeunes femmes cumulent donc la perte d'un bébé mort-né dans la grande majorité des cas, une souffrance physique constante, l'incontinence, la honte et le rejet social et familial.
Cependant, il est très difficile de lutter contre ce fléau dans la mesure où les femmes se cachent. Souvent, leur entourage considère en effet que leur état est le résultat d'une punition divine pour une faute commise par la femme. Il est donc important d'expliquer aux populations que cette maladie peut être soignée, qu'elle n'est pas une fatalité. C'est pourquoi Iamaneh-Mali travaille à la réalisation d'émissions radio où des femmes viennent témoigner de leur guérison.

L'évolution des structures de lutte contre la fistule

     Benkadi (« La bonne entente ») était une association de femmes fistuleuses installées dans le quartier du point G à Bamako. L'ONG suisse IAMANEH les a aidées à obtenir leur statut d'association en 1999.
Très généralement, IAMANEH finance des projets et des structures déjà fonctionnels. Benkadi s'étant révélée inadaptée pour mener à bien un projet d'appui aux femmes fistuleuses, IAMANEH a donc décidé qu'il fallait créer une nouvelle structure pour gérer ce projet. Après de nombreuses discussions avec les médecins et les femmes malades, et après avoir analysé la situation, Iamaneh-Mali a été créée. Le bureau de cette association est composé de trois bénévoles. Sur le terrain, l'équipe est formée de cinq animateurs et d'une coordinatrice.

     Un projet d'appui aux femmes fistuleuses a débuté en février 2000. Son programme s'est étalé sur trois ans. En 2004, une évaluation a eu lieu, à l'issue de laquelle la création de Iamaneh-Mali a été décidée. Depuis, une nouvelle phase a débutée, qui prendra fin en 2007, avec une nouvelle évaluation.

Les trois volets du projet d'appui aux femmes fistuleuses

Volet préventif (activités d'IEC - Information-Education-Communication)

     Ce volet touche les villages du cercle de Bla, de Niomo et de Massina. A l'avenir, IAMANEH souhaite élargir son action aux sept cercles de la région de Ségou. Ce volet a pour but de faire passer de l'information sous des formes variées (causeries, pièces de théâtre, diffusion de vidéos…) et auprès de différents acteurs locaux tels que les sages femmes traditionnelles, le personnel des C.S.COM (Centres de Santé Communautaires) et des centres de références.
Il s'agit de définir la fistule, ses causes et ses conséquences. Les agents de terrain font également valoir l'existence d'une solution chirurgicale pour soigner la fistule, ainsi que l'importance des consultations prénatales, de l'accouchement assisté et de la vaccination. Ils insistent par ailleurs sur les méfaits de l'excision et des mariages précoces (13-14 ans, âge recommandé : 18 ans) et diffusent des informations sur la planification familiale pour, en cas de mariage précoce, éviter aux jeunes mariées d'avoir aussitôt des enfants.

     Les animations se font dans un premier temps auprès des groupes de femmes (en âge de procréer et plus âgées) puis auprès des hommes. Le Dr Kadiatou Keita nous explique que la sensibilisation des hommes est essentielle car bien souvent, les femmes ont besoin de l'autorisation de leur mari pour se rendre, par exemple, à une consultation prénatale. Il faut également sensibiliser les deux parents aux problèmes des mariages précoces.
Il est absolument nécessaire de faire connaître cette maladie pour éviter les répudiations et la marginalisation qui touchent ces femmes.
La fistule constitue un problème de taille, contre lequel il est nécessaire de lutter. Au-delà du travail d'associations comme Iamaneh-Mali, le gouvernement lui-même a donc décidé de mettre en place un programme national. Mais pour l'instant, ce dernier n'a pas encore commencé.

Volet curatif

     Ce volet a consisté dans un premier temps à équiper l'hôpital du point G à Bamako en matériel pour effectuer les opérations chirurgicales permettant de guérir les fistules.
Les malades provenaient des villages du cercle de Bla. A la suite des séances de sensibilisation, les femmes se présentaient spontanément auprès des animateurs ou des C.S.COM. Elles étaient ensuite envoyées à Bamako pour être généralement opérées à l'hôpital du Point G. Depuis, de nouveaux centres ont ouvert à Ségou, réduisant ainsi le temps de transport et améliorant de fait les conditions d'opération. L'ONG prend en charge la quasi totalité des frais de transport et des dépenses médicales (soit 145 000 francs CFA pour un total de 150 000 francs CFA).
Ces femmes arrivent souvent seules, ou plus rarement avec leur mère, leur dernier soutien familial et social. L'association a aussi pour mission d'accueillir les femmes seules, de les soutenir et de leur fournir un lit et des repas.
En trois ans (2000-2003), 128 femmes malades ont été recensées dans le cercle de Bla. 108 ont pu être opérées avec un taux de réussite pour la première opération de 53%. Le projet prévoit donc le financement de trois interventions par femme, si elles s'avèrent nécessaires. L'hospitalisation peut durer jusqu'à trois semaines, car les femmes arrivent souvent en très mauvaise santé pour cause de malnutrition ou d'infections.

Un suivi et une aide à la réinsertion

     Le projet prévoit également de soutenir les femmes malades en leur proposant de petits crédits pour qu'elles puissent démarrer des activités génératrices de revenus : petits commerces, engrais… Les femmes opérées sont suivies par les animateurs et prises en charge en cas de complications médicales ou de difficultés financières.

Perspectives de développement

     Iamaneh-Mali prévoit d'élargir ses missions à tous les cercles de la région de Ségou. En 2006, quatre des sept cercles sont couverts. En 2007, une nouvelle phase de trois ans a débuté et devrait permettre de couvrir les sept cercles d'ici 2009.
Iamaneh-Mali envisage aussi d'élargir son domaine d'actions à des problèmes autres que la fistule. En particulier, l'association aimerait monter un projet de lutte contre l'excision. D'autres thèmes, comme le sida, ou les violences faites aux femmes, leur semblent importants. Mais tant qu'elle n'a pas trouvé d'appui institutionnel, l'association n'est pas en mesure de se lancer dans de tels projets.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.