AFCF - Association des Femmes Chefs de Famille

     L'Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) se consacre à la défense des droits des femmes afin de lutter pour l'émancipation féminine en Mauritanie. Elle s'appuie donc essentiellement sur un volet juridique mais mène également des activités sociales.

Origine

     Créée à l'origine en 1999 par des militantes de gauche, l'association est mal accueillie par les autorités politiques de l'époque (Présidence Ould Taya). La reconnaissance étant difficile à obtenir, c'est dans ce but que le nom de l'association est trouvé, afin de ne « pas attirer l'attention ». L'implantation de l'association dans le pays progresse d'année en année, avec la création de 2500 coopératives féminines améliorant l'organisation des femmes dans les zones rurales.

Organisation

     2 avocats, 10 assistantes sociales et 67 salariés sont employés par l'association. Elle compte 10 250 adhérentes au niveau national. Les financements ont été pendant longtemps difficiles à obtenir à l'époque du président Ould Taya. C'est pourquoi les ressources de l'association reposent essentiellement sur les contributions individuelles, venant de ses membres et les lègues de ses amis. L'association s'appuie également sur des dons matériels (vêtements, etc...) venant des Mauritaniens. Mais pour le moment la plupart des financements sont restrictifs, dédiés à des activités ponctuelles dans le cadre de partenariats internationaux.

     A Nouakchott, l'association possède 3 centres : un dans le centre-ville, un dans le quartier pauvre du d'Arafat ainsi qu'un centre de formation au Ksar. Celui-ci est chargé de la formation des leaderships féminins sur les techniques du plaidoyer et de la communication, afin qu'elle puisse tenir un rôle de dirigeantes.
En 2002 a été créée un centre d'écoute des violences féminines, dans le quartier d'Arafat. Ce centre fournit une assistance juridique et psycho-sociale aux victimes de violence et de maltraitance.
Le centre de Kaédi a vu le jour grâce à la coopération française. L'un de ses grands chantiers est la lutte contre la déperdition scolaire. En effet, suite aux conflits qui ont eu lieu entre la Mauritanie et le Sénégal de 1989-1991, les populations du sud de la Mauritanie (à proximité du fleuve Sénégal) ont été les principales touchées. De nombreuses filles ont ainsi été éloignées des bancs de l'école, et parfois vouées à des mariages précoces et des divorces abusifs.

Activités

     Divers chantiers occupent l'association à travers le pays, avec toujours le souci de création d'un « leadership » féminin émanant des couches défavorisées de la population. Ainsi, de nombreuses femmes, notamment des élues, ont été formées afin d'acquérir des principes de bases de gestion. Il s'agit de les rendre « capables de mettre en place une stratégie économique et sociale, mais aussi d'en assurer le suivi » selon Aminetou mint Ely.

  • Emancipation des femmes : La lutte contre les coutumes et traditions néfastes est une des missions principales de l'association. En premier lieu, pour Aminetou mint Ely, la vision erronée de la jurisprudence (charia) constitue un obstacle à l'émancipation de la femme mauritanienne car « elle est diffusée par certains afin d'exploiter et non de libérer  ». Le code du statut personnel instauré en 2001, inspiré par le modèle marocain, est à cet égard une «  amélioration, mais insuffisante  » et pose problème, en ce qui concerne, «  le tutorat de la femme musulmane, qui reste mineure à vie quelque soit son âge, est reste à ré-examiner, en particulier en utilisant l'ijtihad (l'interprétation de concept de la charia à la lumière de la modernité) ; tout comme la question de l'héritage, dont un seul cas de figure qui laisse la proportion d'un tiers à la femme est utilisé par les mauritaniens, alors qu'il y a plusieurs autres concepts qui donnent à la femme plus que l'homme ou bien une part égale, ou il n'hérite pas et qui ne sont jamais évoqués par ceux qui monopolisent les connaissances en la matière.  » De même, l'association dénonce le manque d'accès des femmes à l'héritage du patrimoine culturel et des terres cultivables dans le monde rural. D'autre part, l'association continue à dénoncer d'autres pratiques coutumières néfastes telles que les mutilations féminines, le gavage des femmes réalisé avec des pilules pour animaux très dangereuses d'un point de vue cardio-vasculaire, les mariages précoces etc. Afin de dénoncer ces mauvaises pratiques coutumières, l'association a réalisé deux études sur l'héritage et sur la domesticité (notamment sur les filles domestiques mineures).
  • Promouvoir la diversité culturelle : Un autre objectif de l'association est de promouvoir l'unification des composantes sociales du pays, notamment concernant le passif humanitaire des déportations de 1989-91. «  Pour promouvoir l'unité nationale et le «  vivre-ensemble  », il faut partager les mêmes valeurs. Certes, il y a une diversité culturelle dans notre pays, mais celle-ci est une richesse à conserver, pas à dénoncer, dans un État de droit qui est équitable  », estime Aminetou mint Ely.
  • Cours d'alphabétisation -Formations : L'association mène également des activités de terrain auprès des populations locales : des cours d'alphabétisation notamment. Elle propose des cours de rattrapage adaptés à différents niveaux, allant du collège jusqu'au Bac, auprès des filles-mères mais aussi auprès des victimes de violence, de domesticité ou de traite domestique. Grâce à ces cours, les femmes peuvent suivre des formations spécialisées leur permettant de se lancer dans des activités génératrices de revenus (AGR). A ce jour, près de 1500 femmes ont ainsi été alphabétisées.
  • Soutien aux activités génératrices de revenus : Les activités génératrices de revenus ont bénéficié aux populations rurales. L'exemple du micro-crédit est à cet égard riche d'enseignement. En effet, «  au début, les hommes n'autorisaient pas les femmes à quitter le domicile après 18h pour se rendre aux réunions des coopératives traitant du micro-crédit. Mais une fois les bénéfices du micro-crédit révélés, ils ne voyaient plus d'objection à ce qu'elles se rendent aux réunions tardives !  » raconte Aminetou.
  • Appui aux femmes victimes de violence : D'autres chantiers sont menés en parallèle, tels que la dénonciation des violences faites aux femmes (y compris les violences conjugales, le viol et la domesticité des filles mineures); de l'esclavage et de ses séquelles (- seule la mère transmet l'esclavage à sa progéniture -) et de la traite sexuelle que subissent nombre de filles mineures qui sont acheminées vers l'Arabie Saoudite, les pays du Golfe et les pays européens. L'association organise également des rapatriements de femmes et d'enfants qui ont subi des souffrances lors de leur processus de migration vers le Nord. La Mauritanie est en effet un point de passage entre l'Afrique sub-saharienne et l'Afrique du Nord, tremplin de migration illégale vers l'Europe.

Collaboration internationale

     Plusieurs projets sont menés en collaboration avec des organisations étrangères ou internationales (Secours Populaire français, Union européenne, «  Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme  », TDH et AECID etc). Par exemple, l'association est actuellement engagée dans un projet d'assistance aux filles victimes de maltraitance domestique en collaboration avec «  Terre des hommes » (Lausanne, Suisse) / AECID.

     L'AFCF a mis en place de nombreux partenariats internationaux, avec notamment «  Egalité de la femme musulmane  », Women's Learning Partnership (WLP), la campagne internationale «  Publiez ce que vous payez ! », Égalité sans réserve en Algérie, au Maroc et en Tunisie, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH)... Elle est également impliquée dans de nombreux réseaux féministes pan-africains et pan-arabes.

     D'autre part, de nombreux prix internationaux sont venus féliciter l'engagement d'Aminetou mint Ely et de l'association des Femmes Chefs de Famille (AFCF), tels que le prix des Droits de l'Homme de la République Française (2006) sur la participation politique des femmes et les droits de l'homme, le prix HEROS des États-Unis (2010) concernant la lutte contre l'esclavage, la traite et de la domesticité, la médaille de Chevalier de la Légion d'Honneur (2010) remise en récompense de la combativité et l'engagement en matière des droits humains.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.