ALCD - Association de Lutte Contre la Dépendance

     L'Association de Lutte Contre la Dépendance (ALCD) a été formée en 1999. Organisation non gouvernementale à but non lucratif, elle est apolitique et non syndicale. Formée de cadres femmes et hommes, l'association est présidée par Toutou mint Ahmed Jiddou depuis sa création. Parmi ses missions d'aide aux populations vulnérables de Mauritanie, elle vient en aide aux victimes de litiges familiaux, le plus souvent des femmes, des enfants, dans l'ensemble des 9 moughatas (arrondissements) de Nouakchott et dans certains autres endroits de la Mauritanie tels que M'bout (région du Gorgol). Elle mène également une mission de prévention, d'information et de sensibilisation autour du Code du Statut Personnel.

Origines

     L'association est engagée dans le milieu des litiges familiaux. Les premiers cas se présentent dans les centres de l'association (quartiers d'Arafat puis d'El Mina à Nouakchott). Les membres de l'association œuvrent alors pour mettre en place une solution à l'amiable entre les différentes personnes concernées par le litige. Lorsqu'une telle solution ne trouve pas d'accord général, alors l'association se tourne vers la police et/ou vers les qadi (juristes religieux). Mais ces cas sont rares, car les solutions à l'amiable sont davantage plébiscitées par les femmes mauritaniennes.

     Selon Toutou, les litiges familiaux sont devenus nombreux ces dernières années en Mauritanie car « Avec la démocratie (...) la femme a voulu se libérer, et c'est là la cassure originelle avec la société traditionnelle. C'est là que nous avons commencé à agir. En 1997, 1998, nous avons commencé nos actions de sensibilisation. Autant auprès des femmes que des hommes : le problème du genre est un problème qui concernent les deux sexes. Il faut trouver un juste milieu. »

Organisation

     Le premier centre de l'association, le centre « Rihab », est ouvert à Arafat en 2003. (voir photos). Si aujourd'hui le quartier général de l'association est le centre d'El-Mina (autre quartier défavorisé de Nouakchott), l'association est très attachée au centre d'Arafat.

     Quatorze salariés et de nombreux bénévoles répartis dans tout le pays travaillent pour l'ALCD. L'association disperse également des « points focaux » dans les préfectures des différents quartiers. Ils ont la charge de solutionner des cas de litiges s'y présentant, mais aussi la prise en charge en centre de victimes.

Activités

Une fréquentation des centres en forte hausse

     Depuis l'ouverture du premier centre en 2003, la fréquentation des centres a explosé. En effet, si la première année seuls trois cas ont été gérés par le centre, sept ans plus tard c'est 702 cas de conflits familiaux, dont 47% marqués par des actes de violence physique, qui sont à recenser pour la seule ville de Nouakchott. En moyenne, chaque jour, 3 cas sont à gérer par l'association. Et depuis peu, des hommes victimes de violences corporelles (brûlures, blessures de couteaux...) perpétrées par leurs femmes, se présentent dans les centres. « Chaque jour, des cas inédits se présentent à nous, chaque jour. Des femmes forcées par leurs mères à épouser des vieillards qui les répudient le lendemain, des fillettes violées maltraitées par des vieux... Des mariages devenus de véritables enfers. »

Code du Statut Personnel : combattre les lacunes liées à son application

     Face à ces problèmes, de trop nombreux qadi ont des comportements inadéquats à la fois vis-à-vis de la femme mais aussi de la religion dont ils sont messagers juridiques. En effet, le laxisme juridique, ou le rejet systématique de la faute sur la femme (notamment dans des exemples d'abus sexuels, viols, mutilations génitales...) est incorrect religieusement. Pour une meilleure formation de ceux-ci, l'association a organisé le 6 septembre 2011 une journée de réflexion et de sensibilisation sur « les voies et moyens d'atténuer les violences faites aux femmes » auprès d'une cinquantaine de greffiers, policiers et gendarmes.

     Au sujet des mutilations génitales, la présidente de l'ALCD nous a fourni un livre, « Le livre d'Or », édité par l'université Al-Azhar du Caire en 2006, où les plus hauts dignitaires et érudits internationaux se sont réunis pour délivrer une grande fatwa contre toutes les formes de mutilations génitales, pour pallier les connaissances lacunaires de nombreux juristes musulmans à travers le monde.

Sensibilisation autour du CSP

     L'association mène une mission de sensibilisation des femmes à leurs droits et devoirs énoncés dans le Code du Statut Personnel. Elle organise également des « sessions de formation des formateurs, animation et causeries sur la problématique des litiges familiaux ». En plus de ses activités de médiation sociale, l'association sensibilise sur le guide d'orientation juridique. De plus, les détenus (femmes et mineurs) sont également sensibilisés sur les problèmes de santé et sur leurs droits.

Création d'activités génératrices de revenus féminines

     « Les premières victimes des litiges familiaux, ce sont les enfants », tient à rappeler Toutou mint Ahmed Jiddou. En effet, ils sont traditionnellement refusés par l'homme lorsqu'un divorce survient. Laissés ainsi à la charge des femmes, elles n'ont pas toujours les moyens de les entretenir seules. De nombreuses femmes se présentent ainsi dans les centres de l'ALCD, qui propose de les accueillir jusqu'à 15 jours. Pour pallier les difficultés économiques de ces femmes, l'association les aide à s'engager dans des activités génératrices de revenus (AGR). En effet, pour Toutou mint Ahmed jiddou, « la racine du problème des violences domestiques et des divorces abusifs, c'est la pauvreté extrême qui touche ces populations ». Ainsi, parmi les nouveautés, l'association a ouvert un salon de coiffure et un atelier couture.

La structure

Une visibilité accrue

     Hier méconnue, Toutou mint Ahmed Jiddou est une figure aujourd'hui connue des Mauritaniens car elle diffuse des spots télévisés et radiophoniques pour sensibiliser la population. Depuis 2007, ces spots sont diffusés quotidiennement, même les jours de fête, afin de lever les tabous liés aux violences chez le plus grand auditoire de Mauritanie. « Les femmes disposent de davantage de droits depuis la réforme du code du Statut Personnel. Il est nécessaire de les y sensibiliser. » affirme Toutou. Ces spots ont donné à l'association une grande visibilité à l'intérieur du pays. Ainsi « jusqu'à Kiffa, des gens viennent aux centres de l'ALCD  à Nouakchott ! » remarque Toutou.

Partenariats

     L'ALCD est également riche de partenariats avec d'autres associations mauritaniennes (Association contre le viol des filles et des violences sexuelles) comme avec des réseaux internationaux (UGET Bénin, Observatoire Arabe, COVAR Tunis, Genre-Action). La présidente de l'ALCD se rend occasionnellement à l'étranger en qualité de consultante afin de sensibiliser l'opinion mondiale à la question du genre en Mauritanie, et surtout de la pauvreté des moyens sur le terrain.

Perspectives

     Comment l'association envisage-t-elle ses perspectives futures ? « Aujourd'hui tout le pays vient à Nouakchott. Ce que nous voulons pour l'association, c'est d'avoir une activité décentralisée. D'être présente dans chaque moughata, dans chaque village, auprès de toutes les femmes mauritaniennes. Il nous faut également former un personnel qualifié, capable d'accueillir les femmes, c'est-à-dire doté de capacités juridiques, en addition d'un personnel médical compétent. Nous voulons également développer les AGR, dont les bénéfices pour les femmes sont extrêmement conséquents. Il faut également insister sur la lutte contre l'analphabétisme. Pouvoir lire, pouvoir connaître ses droits, doit être accessible pour chaque femme.  Il faut également que la femme connaisse son devoir et son droit. Mais nous manquons terriblement de moyens pour développer ces missions. »

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.