Clarisse Ilboudo, présidente de SOS Fille/Mère
Nous avons rencontré une première fois le 8 août 2007 Mme Clarisse Ilboudo, présidente de l'association SOS Fille/Mère, dans le centre d'accueil qu'elle a créé à Ouagadougou en février 2007. Elle nous a alors reçues chaleureusement et nous a présenté les locaux, les bénévoles, les jeunes filles et les bébés auxquels l'association vient en aide. SOS Fille/Mère se fixe comme objectif de contribuer à l'épanouissement des filles mères en les aidant à réintégrer leur famille et la société civile. En 2008, nous avons passé 6 semaines à travailler de près avec le centre et les jeunes femmes, en essayant de les aider à trouver des partenariats. Devant leur grande motivation pour apprendre, nous leur avons également donné des cours d'anglais.
En effet, les filles mères au Burkina Faso sont très mal vues et les familles préfèrent parfois laisser leur fille à la rue plutôt que de subir la honte d'avoir une fille mère dans la famille. La jeune fille souffre alors d'un rejet à la fois familial et social et se retrouve seule et sans ressources avec son bébé. Mme Ilboudo dresse un bilan très négatif sur la situation des filles mères au Burkina Faso, et particulièrement dans les grandes villes du pays.
Financière de son métier, Mme Ilboudo a un jour rencontré sur l'avenue Kwame N'Krumah à Ouagadougou une jeune fille de 16 ans, fille mère répudiée par sa famille, qui se prostituait pour subvenir à ses besoins et à ceux de son bébé. Très touchée et révoltée par sa situation, Mme Ilboudo l'a alors recueillie et soignée. Peu à peu, d'autres filles mères sont venues lui demander de l'aide et Mme Ilboudo a alors décidé d'ouvrir à ses frais un centre d'accueil pour ces jeunes filles de 15 à 19 ans. Aujourd'hui le centre reçoit 27 filles et 29 bébés.
Les jeunes filles et leurs bébés dans le centre
Les jeunes filles et leurs bébés reçoivent au centre l'attention et les soins dont ils ont besoin. L'association prend en charge les frais médicaux des mères et des enfants, qui arrivent au centre souvent très affaiblis et malnutris. Mme Ilboudo a également engagé une cuisinière pour que les jeunes filles puissent manger à leur faim tous les jours. Elle prépare également des bouillies nutritives pour les bébés, pour la plupart malades. Ainsi, quand nous avons visité le centre en 2007, trois des jeunes filles, atteintes de paludisme, étaient hospitalisées aux frais de l'association. Le centre étant relativement petit, les jeunes filles sont hébergées chez des tuteurs, ou dans leurs familles quand elles ont réussi à les réintégrer (seules trois filles sont dans ce cas).
En plus de ces services de première nécessité, l'association travaille à la réinsertion sociale et familiale de ces jeunes mères et de leurs bébés. Sur les 25 jeunes filles rencontrées en 2007, seules 4 ont des extraits de naissance, et seulement 2 de leurs bébés ont un état civil. L'association les accompagne dans leurs démarches administratives afin que mères et enfants puissent profiter de leurs droits de citoyens.
Wendiam, Fati et Anne-Marie pendant un cours d'anglais
La moitié des jeunes filles du centre ne savent pas lire, et la plus instruite a arrêté l'école en 4ème. C'est pourquoi l'association a mis en place des formations en couture, teinture, tissage et confection de savons. C'est Mme Ilboudo qui prend en charge le matériel et les matières premières nécessaires à ces formations. A terme, il s'agit de pouvoir vendre les produits créés par les jeunes filles pour assurer une source de revenus stable pour l'association. Mme Ilboudo a l'intention de mener des formations de deux ans et de doter les jeunes filles de matériel à la fin de leur formation, afin qu'elles puissent démarrer immédiatement une activité rémunératrice.
En outre, des formations en planification familiale et sur les moyens de contraception ont été dispensées aux jeunes filles, souvent ignorantes des risques qu'elles courraient. Mme Ilboudo souligne que l'information en matière de contraception ne circule pas auprès de ces jeunes filles analphabètes, qui constituent pourtant une population à risque. En 2008, le MBDHP s'est déplacé au centre pour sensibiliser les jeunes femmes sur leurs droits et ceux de leurs enfants, surtout par rapport à la responsabilité du père, souvent bien trop absent dans l'éducation et le suivi de l'enfant. En juillet 2009, tout le centre suivra 45 jours d'alphabétisation et de cours de mathématiques et comptabilité, formation réalisée en partenariat avec le Rotary Club. Cela permettra de faire une mise à niveau pour les filles mères, qui ont jusqu'ici des niveaux très différents.
En 2008, nous avons pu observer les progrès de l'association à qui l'on a offert des machines pour la couture et la coiffure, et qui a bénéficié de généreux dons d'habits et de riz. Les filles mères ont appris à tricoter la laine et elles s'appliquent à faire des écharpes et des cardigans dont la vente est plutôt difficile en saison chaude.
Au centre, les mères bénéficient du soutien des autres jeunes filles. Six d'entre elles y dorment tous les soirs. Petit à petit, elles s'approprient cet espace et en font leur maison, leur école, leur dispensaire et leur famille. La cohabitation permanente des enfants leur permet de connaitre autre chose que la solitude dans la pauvreté ; ils trouvent au centre des compagnons de jeux et de découverte.
L'association est gérée par Mme Ilboudo, aidée de 7 bénévoles et de 4 salariés. L'association n'ayant que quelques mois d'existence, elle ne bénéficie pas encore de partenaires institutionnels et fonctionne grâce à l'aide financière et en nature de quelques amis. Certains amènent des peluches pour les enfants, d'autres des habits, ou encore des sacs de riz. Mme Ilboudo a dû faire face à l'urgence dans les premiers mois, mais pense désormais dans le long terme. Elle réalise des émissions à la radio afin de mettre en lumière le sort de ces filles mères et a mis en place, toute seule, un blog où elle fait part des activités de son association.
La présidente de SOS Fille/Mère nourrit de nombreux espoirs en ce qui concerne l'avenir de l'association et des jeunes filles qu'elle protège. Actuellement, une vingtaine de jeunes filles sont sur liste d'attente pour bénéficier de l'aide de l'association, qui manque encore de moyens et de place pour les prendre en charge. Mme Ilboudo constitue un repère pour ces jeunes filles désorientées et isolées et les enfants l'appellent grand-mère. La fragilité psychologique de ces jeunes filles est à la base du projet de la présidente d'engager un pédopsychiatre afin de les suivre médicalement, puisque beaucoup d'entre elles sont dépressives. Elle a également le projet d'engager une animatrice qui s'occuperait des enfants tandis que les mères suivraient une formation.
SOS Fille/Mère en est encore à une phase de démarchage, cette jeune association cherche à se faire connaître auprès de donateurs ou de partenaires financiers, mais le dynamisme et le dévouement de l'équipe nous ont impressionnées. Quoique limitée par les moyens, l'association a réussi à sortir de la rue 27 jeunes filles et leurs bébés, et à leur redonner espoir dans leur avenir.
Les objectifs de l'association sur le court terme sont réalistes mais difficiles à atteindre sans financement. Bien que le materiel existe, les fonds manquent pour engager des formateurs. Améliorer les conditions socio-économiques des filles par des revenus générés par leur apprentissage est pourtant une priorité ; le but de l'association à l'origine était de permettre aux filles d'avoir une activité rémunératrice et une nouvelle responsabilité sociale. Clarisse espère trouver de nouveaux partenariats et des financements pour enfin engager des professionels et pouvoir s'attaquer à un problème à la fois. Le centre et les mères nouvellement formées pourront être des vecteurs de changement des mentalités et des relais de formations et d'information dans leur milieu. Les dons continuent à être la première source de survie du centre en attendant que les dossiers de financements aboutissent à des partenariats.