Mme Krotimi Traoré, présidente de Sinignèsigi, travaillant sur un bogolan
Sinignèsigi existe depuis juin 1995 et compte une quarantaine de femmes membres dont trente actives, c'est-à-dire présentes quotidiennement au centre. Le bureau est quant à lui composé de 12 bénévoles. La présidente de l'association est Mme Krotimi Traoré et le conseiller de l'association à la Coordination Régionale des Artisans est Adama Sidibé (232 08 77).
Le centre social de l'association est né à la suite du regroupement des femmes de l'ancien et du nouveau quartier de Ségou-Coura (Ségou-Coura-Bambara et Ségou-Coura-Somono) ainsi que du quartier Bagadadji autour d'un premier projet commun, la construction d'un centre de santé communautaire. Ce projet mettait fin à plusieurs années d'hostilité due à l'« occupation par les nouveaux des champs des anciens ».
Le succès qu'a rencontré la mise en place du centre social a conduit l'ONG ALPHALOG à mener des programmes de recherche-action dans le quartier pour définir les nouveaux besoins. Privilégiant une approche communautaire, ALPHALOG s'est d'abord adressée aux trois chefs de quartier, avant de choisir des interlocutrices privilégiées parmi les « femmes leaders ». Les femmes se sont ensuite réunies en assemblée, au cours de laquelle elles ont demandé la création d'un centre social et formulé les activités prioritaires : teinture, bogolans, savons, couture, tissage.
ALPHALOG a alors aidé le groupement à s'organiser pour ses nouvelles activités en lui fournissant des équipements et des papiers officiels. Afin de mieux impliquer les hommes dans le projet, les femmes leur ont demandé de leur fournir un local, en l'occurrence celui qui abritait l'ancienne coopérative.
La construction et l'équipement du centre social ont été en majeure partie financés par ICO et par CEBEMO / BILANCE (Pays-Bas).
Deuxième couche de teinture
L'association a commencé par mettre en place des ateliers de teinture et a progressivement diversifié ses activités en se lançant dans la confection de savons, puis dans le tissage (l'association dispose de deux métiers à tisser fournis par ALPHALOG), dans la fabrication de bogolans et de bazins. Elle s'est ensuite investie dans la transformation agro-alimentaire (confitures de mangues et de papayes, séchage d'oignons et de mangues) et enfin dans le recyclage de déchets plastiques : lavage à l'eau de javel, découpage de longs fils de plastique ensuite tricotés pour en faire des paniers.
Activité de teinture sur bogolans
Pour le bogolan, les teintures sont obtenues naturellement. C'est ainsi que le vert est issu de la feuille de galama que l'on cuit pour en extraire le liquide coloré. La nuance finalement obtenue varie selon la durée de cuisson et la quantité d'eau ajoutée. Le marron provient de l'écorce de raisin sauvage. Et l'âge de l'arbre ainsi que le temps de cuisson influent sur la couleur finale.
Pour mener à bien ces travaux, les femmes du groupement ont toutes reçu une formation dans tous les domaines d'activité et se sont ensuite spécialisées dans une ou plusieurs activités.
Sinignèsigi a également mis en place un système de prêts entre ses membres à 10% d'intérêts. Celui-ci a été interrompu depuis quelques mois et est en passe de reprendre. Ce système de prêts présente plusieurs avantages : les intérêts sont moins élevés que dans les banques traditionnelles qui exigent également des garanties à hauteur de la moitié de la valeur du prêt ; en outre, on contrôle ainsi plus facilement le remboursement. Sans ce système parallèle, les femmes n'auraient pas accès au crédit, trop cher et « humiliant ».
Parallèlement à ce système de prêts existent au sein de l'association deux tontines (prêts sans intérêt) : la première réunit six membres qui, chaque mois, versent chacun 10 000F CFA dans la caisse commune, attribuée à la personne qui est tirée au sort ; le second fonctionne de la même façon mais concerne onze personnes qui versent chacune mensuellement 6 000F CFA. Les femmes qui participent déjà à des tontines de quartier hebdomadaires ne prennent pas part à celles de l'association. Malheureusement, quand nous avons rencontré l'association en août 2006, la présidente nous a expliqué que l'activité de tontine avait du être interrompue en raison de problèmes de remboursement liés à un début de saison difficile.
Le jardin d'enfants de l'association
Finalement, afin de concilier maternité et vie active, les femmes ont cherché à aménager, juste à côté de la boutique, un jardin d'enfants où travaillent aujourd'hui trois animatrices, une « nounou » et un gardien. Le jardin accueille actuellement une soixantaine d'enfants de 2 à 6 ans. Même si le jardin d'enfants est ouvert à tous, ce sont surtout des enfants du quartier qui y sont inscrits. La gestion de ce jardin est indépendante de celle de la boutique.
En plus d'un jardin d'enfants, l'association dispose d'un atelier de couture qui sert aussi de salle de cours.
Sinignèsigi propose en effet un panel de 152 heures de cours par an : alphabétisation et culture générale en français (cours dispensés par un professeur), sensibilisation aux MST et planning familial (dispensés par un médecin) et comptabilité - gestion (dispensés par un animateur de la coordination régionale des artisans) ainsi que recyclage de déchets plastiques. Environ la moitié des membres de l'association participe à ces classes. Pour chacune des quatre matières, les élèves sont réparties en trois niveaux. A la fin de l'année, un test permet de valider le passage au niveau supérieur ou peut, au contraire, se solder par un redoublement. Après la troisième année, une attestation de réussite offre aux élèves la possibilité d'obtenir le statut de formateur de formateurs. La présidente a ainsi pu réaliser des formations de formateurs à Gao, Sikasso… notamment en matière de recyclage de déchets plastiques.
La production du groupement est vendue dans une boutique qui jouxte l'atelier de couture (« La Boutique des Femmes » de Ségou) mais aussi sur commande, provenant notamment de la boutique « Farafina » de Ségou, mais aussi de Sévaré et des Pays-Bas (par l’intermédiaire d’ALPHALOG et de « Farafina »).
Les frais d’adhésion sont passés de 1 000F CFA (1,5€) lors de la création à 3 000F CFA (4,5 €) aujourd’hui et la cotisation mensuelle de 200 à 250F CFA.
Sinignèsigi a mis en place deux « systèmes de travail » :
Sacs, bogolans, tissus à la Boutique des Femmes
Les femmes les plus actives disent pouvoir gagner jusqu'à 60 000F CFA (90 €) par mois pendant la saison touristique, et entre 13 et 20 000 F pendant la période de soudure (saison chaude). A titre indicatif, un bogolan de 120 x 200 cm est vendu 10 000F CFA (15 €), une couverture de 250 x 350 cm 30 000F (45 €) et une couverture une place 12 500F.
Outre ce gain économique qui permet aux femmes de payer notamment des cours supplémentaires pour leurs enfants et de participer aux frais du ménage, à la plus grande satisfaction de leur mari, les femmes de Sinignèsigi aiment à se rassembler entre elles et disent constituer une grande famille : elles « partagent beaucoup de choses » , leurs soucis et leurs joies ; si l'une d'entre elles ne vient pas, d'autres vont « voir chez elle ce qui se passe » . Les seuls hommes de l'association, par ailleurs très bien intégrés, sont les deux tisserands et les deux gardiens (un pour la boutique, un pour le jardin d'enfants).
La Présidente de Sinignèsigi nous explique qu'elle préfère le statut d'association à celui de GIE (Groupement d'Intérêt Economique) parce que, d'une part, la constitution d'un GIE demande des démarches administratives plus compliquées, et d'autre part, « on est moins libre » dans un GIE (« tout doit être écrit chez le notaire »). Pour elle, les membres d'un GIE ne sont unis que par l'argent et si le crédit contracté au départ n'est pas remboursable, on saisit les biens du responsable du groupement. Les crédits accordés aux associations ne peuvent jamais être aussi élevés que ceux accordés aux GIE et sont donc plus facilement remboursables. Sinignèsigi n'a en fait jamais pris de crédit et fonctionne avec les fonds des cotisations et les bénéfices.
Dans le but de développer l'activité de revente, l'association a fait aménager une boutique et un atelier traditionnel avec les matériaux de la région. La rentabilité de leur travail leur a ainsi permis de se rapprocher de la clientèle touristique (l'association est mentionnée dans le guide édité par la maison du tourisme de Ségou et indiquée sur la carte de la ville). La commercialisation n'est aujourd'hui plus un problème pour cette association dont l'expérience et la réussite ne cesse d'attiser la convoitise de la part des autres associations de Ségou.
De plus, fort de son expérience à la foire de Paris en septembre 2006 (qui s'est révélée très rentable et a révélé l'association au public français), l'association, toujours très motivée, et ayant été sélectionnée à nouveau en 2008 par le Ministère de l'Artisanat, va participer aux manifestations de la semaine de l'artisanat malien à Paris en octobre.
Enfin, un nouveau projet concernant la création d'une salle de conférence sur le terrain possédé par l'association a bon espoir de voir le jour d'ici fin 2009. Cette salle pourrait être utilisée par l'association et louée pour des conférences aux différents partis politiques et industriels de la région de Ségou.