Case Foyer de l'Union Communautaire des Femmes de Fatick

  • Quartier Darou Salam
    Fatick
    Sénégal
  • (221) 33 936 3556
  • Dernière rencontre : Août 2009

Mme Sohckna Diop Faye, trésorière de la Case Foyer

Mme Diouf, présidente de la Case Foyer

     Nous avons rencontré à trois reprises les membres de la Case Foyer. La première fois, en décembre 2003, Mme Diouf, la présidente de l'association, nous avait accueillies chaleureusement et nous avait fait visiter le bâtiment du Foyer. Plus tard dans la journée, nous avions assisté à des cours d'alphabétisation en sérère dans le quartier de Ndiaye Ndiaye. Les formatrices suivaient des cours dans la salle de réunion du Foyer puis se répartissaient dans les différents quartiers de Fatick.

     Lors de notre deuxième rencontre, en février 2006, la Case venait de recevoir un ordinateur neuf d'un natif de Fatick émigré en France, et nous avions alors pu former la trésorière de la Case, Mme Diop Faye, en bureautique de base.

     Pour notre troisième rencontre, nous avons été accueillies par la présidente, Mme Diouf, et l'ensemble des jeunes filles qui participaient au projet de formation en couture et teinture. Nous avons pu visiter tous les locaux de la Case. La trésorière, que nous avons aussi rencontrée, nous a montré tous ses documents de compte et a déploré l'absence d'ordinateur pour son poste.

Organisation et financement de l'association

     L'association rassemble 33 groupements féminins des différents quartiers de la communauté de Fatick. Le bureau communal est, selon Mme. Diouf, « le coeur de l'association ». Il est le lieu de rencontre et d'échanges d'idées pour toutes les femmes des GIE et sert de comme centre de formation.

     A l'origine, c'est un financement de la Banque Mondiale qui a permis la construction et l'équipement du centre en 1998-1999. N'ayant ni eau, ni électricité, les femmes se sont adressées à l'ancien maire de Fatick qui leur a offert ces installations. Après la construction du bâtiment, la Banque Mondiale leur a accordé une somme de 5 millions de francs CFA pour ouvrir une boutique pour laquelle les différents groupements ont versé une caution de 24 000 francs CFA.

     La Case Foyer est administrée et gérée par 12 femmes : une présidente, une trésorière, une secrétaire, deux qui s'occupent des chambres, une du congélateur, une de la boutique, deux du restaurant et une dernière du télécentre.

Réalisations achevées depuis notre dernière rencontre

Une séance d'alphabétisation en décembre 2003

Fatou NDour

     L'activité qui nous a été le plus longuement présentée en 2003 est la formation des formatrices en alphabétisation. Ces femmes sont recrutées dans les groupements et suivent des cours pendant 10 mois. Dès le premier mois, elles se rendent dans les quartiers pour dispenser, à leur tour, un enseignement aux femmes de leurs groupements intéressées par une formation en alphabétisation fonctionnelle. La formation dure 16 mois au total, à raison de cinq cours de trois heures par semaine, et pour un total de 2500 francs CFA par personne pour l'ensemble du programme.

     Nous nous sommes rendues dans deux groupes d'alphabétisation en sérère du quartier de Ndiaye Ndiaye. Quand nous sommes arrivées dans une salle prêtée par un particulier, certaines révisaient consciencieusement leur leçon. Nous avons pris place au milieu du groupe, en regrettant de n'avoir pas appris le sérère plus tôt. Dans la salle, plus de 25 femmes entre 30 et 50 ans se tenaient assises par terre et écoutaient sagement leur enseignante, dans leurs boubous oranges, verts, bleus… Au tableau, la professeur, Mme Fatou Ndour, écrit la date du jour (« Jumating naar 12 nonqool desaambar no hiid 2003 », c'est-à-dire « Vendredi 12 décembre 2003 »), puis débute le cours par des révisions de la leçon précédente : additions et soustractions. Puis, elle se lance dans une explication des mesures. Metaar… ektometaar… Quand nous en sommes au kilometaar, une des femmes doit sortir quelques minutes avec son bébé qui rechigne.

Un cours d'alphabétisation en sérère dans le quartier de Ndiaye Ndiaye

     Les femmes sont très attentives, elles participent, prennent des notes sur leurs ardoises et murmurent les bonnes réponses. Certaines se portent même volontaires pour aller faire les exercices au tableau.

     Dans le second cours auquel nous assistons, les femmes sont plus jeunes et c'est toujours la même attention studieuse. Dans un coin de la salle construite dans la cour de la maison de la coordinatrice, une petite bibliothèque permet aux femmes d'emprunter des livres en sérère, en wolof, et même en français sur l'islam, la littérature, les contes, et des manuels pratiques sur la santé, l'aviculture, la teinture, le maraîchage, l'élevage, l'agriculture, l'embouche…

     Ces cours d'alphabétisation fonctionnelle étaient centrés sur une formation pratique qui permettait aux femmes d'utiliser leurs compétences en gestion, en comptabilité, pour mener des activités commerçantes.

     Ce programme d'alphabétisation désormais terminé a été, pour Mme Diouf, « la racine clé de la construction de la Case ». Le budget de 22 200 000 F CFA, financé par l'état sénégalais avec d'autres bailleurs de fonds regroupés sous le Programme d'Alphabétisation Priorité Femmes (PAPF), couvrait les salaires des formateurs, le prix des déplacements et l'achat d'un véhicule officiel.

     Les résultats globaux parlent d'eux-mêmes : 600 femmes alphabétisées (20 classes de 30 femmes), plus 20 animatrices et 40 enseignantes de relais. La Case a également ouvert une bibliothèque pour encourager ses membres à s'exercer en wolof, en sérère et en français. Le prix modique de chaque emprunt s'élève à 25 F CFA (0,04 EUR) par livre pour deux à trois jours.

Le micro-jardinage dans la région de Fatick

     Sur le plan de l'agriculture, leurs activités se sont beaucoup développées entre 2003 et 2006 mais se sont finies avant 2009. Un projet de micro-jardinage sur les terres de la Case a été lancé en 2005. De surcroît, la Case a été nommée responsable par l'état sénégalais de l'ensemble du micro-jardinage de la région.

     Au total, 15 femmes ont été formées en micro-jardinage dans le cadre de ce projet. Les femmes de la Case mènent également un programme de reboisement, de riziculture et de maraîchage dans la région. Les défis principaux rencontrés dans ce domaine d'agriculture sont les suivants: la présence de termites, la basse qualité de l'eau (qui oblige à utiliser de l'eau en bouteille), et l'hyper-salinité des terres de Fatick, en particulier autour du quartier de Ndiaye Ndiaye. Un autre partenaire de Courants de Femmes, Femme Enfance Environnement (FEE) s'était attaquée au problème en construisant des digues anti-sel aux alentours de Fatick mais a reconcentré ses activités sur la scolarisation des jeunes filles.

     Cependant compte tenu de l'absence d'eau douce dans la région du delta, le projet a dû être arrêté. Il était trop coûteux d'acheter de l'eau douce pour les cultures. La vente des produits cultivés ne fournissaient pas assez de revenus pour compenser les dépenses engendrées.

Santé

     La Case Foyer s'est aussi impliquée dans un programme de sensibilisation en matière de santé. Des relais sont formés à la Case pour informer la population rurale des maladies graves comme le SIDA et le paludisme. Ces relais donnent également des informations sur les vaccinations et sur la planification familiale.

     Lié à ces activités de sensibilisation, la Case Foyer a aussi mené un projet d'imprégnation de moustiquaires. L'assistance financière de l'African Development Foundation (800 000 FCFA) a permis l'achat des moustiquaires et des produits chimiques. Ce projet a été remplacé par un programme gouvernemental national « un enfant = une moustiquaire ».

Activités et projets en cours lors de notre dernière rencontre

Les AGR de la Case Foyer

  • Deux chambres de passage tiennent lieu d'auberge et permettent d'apporter des revenus au Foyer. Les recettes obtenues n'ont pas été partagées, comme le souhaitaient certaines femmes de l'association, mais elles ont été réinvesties pour la construction d'un télécentre et d'un restaurant. Le télécentre ne constitue plus une activité régulière, il semblait à l'abandon
  • La salle de réunion du foyer peut être louée pour des séminaires ou des formations.
  • La Case a acheté une tente de cérémonie et 100 chaises en plastique qu'elle loue.
  • Un local est loué à une femme pour vendre des oeufs et des poulets.

Microcrédit

Cliente de la Case Foyer

     Au sein de la Case Foyer, les femmes gèrent une mutuelle auprès de laquelle les groupements peuvent emprunter à un taux très faible (2%). Toutes les femmes de la région de Fatick, et pas seulement de la commune, peuvent accéder à ces prêts. Lors de notre visite en 2009, nous avons ainsi pu constater le succès auprès des femmes de cette mutuelle où les candidates se succédaient. Cette somme est ensuite investie individuellement dans des activités génératrices de revenu, dans le commerce - surtout le petit commerce (achat et vente d'arachides ou de fruits et légumes) - la teinture, l'aviculture et l'embouche bovine.

     Traditionnellement, ce sont les hommes qui pratiquent l'élévage ovin et bovin, mais de plus en plus les femmes peuls et sérères s'en occupent.

     Elles se sont aperçues que les prêts de 50 000 F CFA par groupement n'étaient plus suffisants pour couvrir les besoins des prestataires. Un protocole d'accord a donc été signé avec la mutuelle d'épargne de la ville ce qui a permis aux groupements membres de toucher des prêts de 100 000 à 500 000F CFA.

     L'objectif est que les femmes puissent organiser les prêts par elles-mêmes pour qu'elles puissent « s'envoler de leurs propres ailes&nsp;».

Formation en couture et teinture de 100 jeunes filles de la commune de Fatick

Jeunes filles participant aux cours de couture

     Le don d'un natif de Fatick émigré en France de 3 machines à coudre en 2005 a permis la diversification des activités de couture. Les femmes de la Case Foyer peuvent désormais ajouter le travail de broderie à leurs activités de teinture batick.

     Suite à ce don, un projet de formation des jeunes filles en teinture et en couture a été élaboré. Le projet ambitionne de donner une compétence à des jeunes filles dont le niveau scolaire ne dépasse pas, pour la grande majorité, le CM2. Il a pour but de « récupérer les jeunes filles qui ont abandonné l'école » et qui risquent de partir pour Dakar pour travailler comme bonnes. Or selon Mme Diouf, les conditions de vie de ces jeunes filles à Dakar peuvent être déplorables. Elles sont nombreuses à tomber enceinte, abusées parfois par les hommes des familles où elles travaillent dans le pire des cas. C'est donc pour créer du travail à Fatick que ce projet a été élaboré.

Une des femmes de la Case expliquant l'art de la teinture

     Il a pu commencer en juillet 2009. Financé en partie par l'USAID, l'Italie, le gouvernement du Sénégal et la Case Foyer, ce programme qui durera six mois comporte trois volets.

     La première étape consisté en des réunions d'information aux parents, aux délégués de quartier, aux imams et enfin aux jeunes filles afin de les impliquer dans le programme. Durant ces réunions, la Case a tenu à une transparence totale du budget et des objectifs du projet. L'adhésion au projet a été plus importante que prévue. Ainsi 30 jeunes filles n'ont pas pu prendre part aux formations prévues pour 100 personnes.

     La deuxième étape durera six mois (de juillet jusqu'à décembre 2009). Elle consistera en l'apprentissage de la teinture ou de la couture, trois demi-journées par semaine. Les filles âgées de 15 à 30 ans environ sont réparties en quatre sous-groupes.

     La dernière étape qui aura lieu en même temps que les formations a pour but d'offrir aux jeunes filles des « cours » sur la vie familiale, sur les relations entre filles et garçons, sur la planification familiale, sur le corps féminin et son fonctionnement, sur les MST et le SIDA sous forme de causeries.

Perspectives et défis

GIE couture/teinture

     La Case aimerait, suite au programme de formation des jeunes filles, les regrouper en GIE. Pour le moment, la présidente pense les rassembler en sous-groupes de 10 jeunes filles avec des couturières et des teinturières. Pour les aider au départ, la Case donnerait une enveloppe globale de 2 millions de Francs CFA, ce qui risque malgré tout de ne pas suffire compte tenu du prix des machines à coudre qu'il faudra acheter. De plus la Case les suivrait et les aiderait pendant un an avant de les rendre totalement autonome. Dans la perspective de ce GIE, les femmes de la Case cherchent donc des partenaires qui pourraient leur fournir soit des machines à coudre soit des financements pour les acheter.

Informatique

     La Case a bénéficié en 2005 d'un ordinateur neuf de la part du même donateur qui leur a offert les 3 machines à coudre. Cependant en 2009 lors de notre dernier passage, celui-ci était en panne. La Case aimerait se doter d'ordinateurs, notamment pour la trésorière mais aussi pour pouvoir dispenser des formations aux jeunes filles de la commune. En effet, après la formation en couture et teinture, Mme Diouf voudrait que ces jeunes filles puissent gérer leurs activités et souligne l'importance des NTIC de nos jours.

Garderie d'enfants

     La Case aimerait proposer dans les prochaines années une garderie d'enfants, ce qui permettrait ainsi aux femmes de Fatick d'avoir une activité génératrice de revenus plus facilement. Mais pour le moment leur manque de ressources financières empêche la réalisation de ce projet.

Espoirs de partenariats

     L'espoir de la Case, nous avait confié Mme Diouf en 2006, serait « d'avoir des partenaires qui puissent nous pousser pour aller à l'avant ». Cependant, elle constate qu'elles « se débrouillent toutes seules (…). On a même pas l'aide de l'état ». Ce constat semblait toujours d'actualité.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.