CLVF - Comité de Lutte contre les Violences aux Femmes et aux Enfants

     En novembre 2003 puis à nouveau en janvier 2006, nous avons rencontré Fatou Bintou Thioune dans le local du Comité, hébergé par le RADI. L'organisation possède également des cellules à Kaolack et à Thiès, et des points focaux à Saint Louis et à Diourbel.

Date de création

     Le CLVF a pris forme en juillet 1996, suite à un cas de violence conjugale : Fatou Dieng a subi des violences de tout ordre (physiques, morales, économiques) pendant des années. Malgré les pesanteurs socio-culturelles, après 22 ans de sévices, elle s'est enfuie de chez elle pour se réfugier au RADI qui a réagi en mobilisant des associations de femmes partenaires.

     Cette mobilisation a débouché sur la création d'un comité de soutien regroupant des avocats et des medias, qui a organisé marches et forums à Dakar et à Diourbel. Ce collectif a aidé Fatou Dieng à porter plainte contre son époux ; s'en est suivi un procès qui a débouché sur la condamnation de cet homme à huit mois de prison et à 1 million de Francs CFA de dommages et intérêts, peine minime mais qui a constitué une « première » dans le sens où une femme a enfin osé dénoncer publiquement son mari. Le comité de soutien s'est ensuite constitué en comité national.

     Aujourd'hui, il constitue un réseau d'une quinzaine d'associations (les cinq membres du bureau sont des représentantes d'autres associations).

Contexte

     La loi du 29 janvier 1999 a constitué une avancée considérable en modifiant le code pénal de façon à légiférer spécifiquement sur les violences faites aux femmes en introduisant les termes de « violence conjugale », « viol », « pédophilie » et « inceste » qui sont désormais pénalement distincts des « coups et blessures ».

Objectif

     Le Comité entend contribuer à l'éradication de toutes les formes de violence envers les femmes et les enfants (violences sexuelles, physiques, morales, mariages forcés ou précoces, trafic et exploitation sexuelle…).
Le CLVF poursuit également des objectifs spécifiques : mener des actions concertées pour soutenir les femmes et les enfants victimes de violences, œuvrer à l'amélioration et à l'application des textes de loi.

Organisation

     Le CLVF est structuré comme suit :

  • une Assemblée Générale qui se réunit une fois tous les deux ans ;
  • un comité directeur composé de 17 membres parmi lesquels sont élues les six femmes membres du bureau.

Moyens utilisés

  • Accueillir, assister et orienter les femmes violentées grâce à la création d'un centre d'écoute dont la permanence est assurée par Mme Fatou Bintou Thioune. Cette aide s'effectue la plupart du temps sous forme de médiation sur demande de la victime ;
  • Fournir une assistance judiciaire/juridique : requêtes adressées au Président du Tribunal ; intervention d'avocats, de médecins et de psychologues pour lesquels l'association verse une somme forfaitaire ;
  • Centres de santé (information une matinée par semaine) ;
  • Causeries au niveau des groupements de femmes, centres sociaux et structures scolaires et éducatives ;
  • Séminaires de formation des membres en techniques d'animation, de plaidoyer et de lobbying, en counseling pour une meilleure prise en charge des victimes ;
  • Conférences une ou deux fois par an (par exemple avec des prêtres, des islamologues, des sociologues, des juristes…) ;
  • Emissions de radio et spots d'information ;
  • Plaquettes et bandes dessinées d'informations et de sensibilisation ;
  • Membre du comité d'orientation scientifique pour la mise en place d'un projet de plan d'action national de Lutte contre la Traite des Personnes au Sénégal ;
  • Campagne nationale de sensibilisation sur « les violences sexuelles : viol et pédophilie » à Dakar, à Thiès, à Saint-Louis, à Kaolack, à Mbour et à Diourbel ;
  • Enfin, et surtout, le CLVF privilégie la médiation familiale et le soutien psychologique et médical grâce à des assistantes sociales et des médecins bénévoles.

Financements

  • UNIFEM (a permis la création du centre d'écoute et la mise en place de séminaires ainsi que la participation du CLVF à la campagne de lutte contre les violences faites aux femmes) ;
  • Fondation Friedrich Ebert (pour les campagnes nationales de sensibilisation sur les violences conjugales) ;
  • USAID (matériel...) ;
  • British Council (renforcement des capacités des membres).

     Ici, la coordinatrice déplore le manque de moyens institutionnels, notamment de locaux suffisamment vastes et de lits pour accueillir les femmes qui viennent de quitter leur foyer.

     Fatou Bintou insiste sur le fait que l'action du Comité doit s'inscrire dans une démarche globale : il est nécessaire de renforcer les activités économiques des femmes afin de réduire leur dépendance financière envers leur mari. C'est pourquoi il est important de former les femmes à des activités génératrices de revenu. Les « pesanteurs socio-culturelles » imposent une loi du silence à ces femmes, mais pour Fatou Bintou, maintenant, les gens osent parler et les autorités prennent conscience du fait que les violences envers les femmes sont une réalité contre laquelle il faut lutter.

Réalisations et orientations depuis 2003

  • Réorganisation de la structure du réseau : grâce à des financements plus importants de l'USAID, le CLVF a pu créer sept nouveaux bureaux de manière à décentraliser ses activités et à se rapprocher des populations que le Comité cherche à soutenir. La décentralisation dans les capitales régionales de Thiès, Kaolack, Ziguinchor, Thambacounda, Saint Louis, Louga, Diourbel (avec le bureau central de Dakar) permet au Comité d'augmenter sa capacité d'action et sa visibilité en ayant trois représentants par bureau régional (1 représentant par sous-region).
  • Campagne de sensibilisation : au cours de l'année 2005, le CLVF a amplifié sa campagne de sensibilisation aux recours légaux dont disposent les femmes pour atteindre le niveau national à l'aide de plaquettes, BDs, forums régionaux avec la participation des autorités religieuses, d'avocats et de psychologues.
  • Plaidoyer : le CLVF est l'un des principaux coordinateurs d'un forum de plaidoyer pour l'harmonisation du code légal national avec les conventions internationales que le gouvernement a ratifiées au cours de l'année 2004. Les membres du Comité sont : ABACED, AFDEEA, ANAFA, ANHMS, APROFES, ADFES, CAEDHU, COSEF, GREFELS, GREF, GTAF, JOC.F, PROFEMU, RADDHO, RADI, Wildaf/Feddaf, SOS Equilibre, Pencum 44.

     Fatou déplore la lenteur des réactions gouvernementales et la pression exercée par les autorités religieuses hostiles à la laïcité et le libéralisme légal.

     En ce qui concerne les locaux dont dispose le Comité, Fatou regrette que, faute de financements, le CLVF ne puisse toujours pas héberger les victimes de violences qui viennent de quitter leur foyer.
Fatou Bintou nous a suggeré de contacter l'ANAFA (Association Nationale Africaine pour la Formation des Adultes) ainsi que le siège de la francophonie pour s'informer sur la possibilité d'utiliser leurs locaux pour des formations, ce que nous avons fait.

Cette page a été réalisée par les membres de l'association Courants de Femmes.