Mme Hadja Aïssa Diallo Soumaré, la présidente du CADEF
Hadja Aïssa Diallo Soumaré préside le CADEF avec un certain charisme depuis sa création. C'est également elle qui a créé la CAFO, la Coordination des Associations et ONG Féminines du Mali, avec l'idée qu'il fallait « nécessairement encadrer toutes les ONG nées avec la révolution démocratique et dont les trois quarts ne savaient pas où aller. » Son domaine est celui de la santé publique puisqu'elle a été successivement directrice du personnel du Ministère de la Santé pendant quinze ans puis sage-femme.
Pour elle, l'excision comme le SIDA, sont des « sujets à la mode », sur lesquels se focalise l'Occident et les projets de lutte contre ces fléaux trouvent aisément des financements alors que ce sont avant tout le paludisme et la malnutrition qui tuent les femmes et les enfants. Il ne faut pas non plus oublier de lutter contre les grossesses multiples ou les maladies infantiles liées à un manque de vaccination. Elle considère que l'alphabétisation, ce n'est pas seulement savoir écrire « i », « o » ou « a » ou signer « Fanta, Aminata ou Djénéba », mais aussi et surtout, apprendre aux femmes leurs droits dans la langue nationale.
Dans le bureau où elle nous a reçues le 19 janvier 2004 et le 24 juillet 2006, sont affichés le serment d'Hippocrate, la Convention sur l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'Egard des Femmes, et une attestation de l'Ordre National du Mali qui lui a été décernée. En 2004, nous n'avons pas fait de formation avec Mme Diallo Soumaré, par manque de temps, mais la présidente du CADEF a conscience de l'importance d'Internet et du rôle que cet outil peut jouer dans le développement et dans la lutte contre les discriminations. Elle nous parle des nombreuses campagnes et pétitions qui circulent sur le web et qui parfois permettent de sauver des femmes victimes des jugements de la Charia, ou de formes d'esclavagisme moderne… En revanche, en 2006, nous avons pu former deux permanentes de l'association au fonctionnement du blog, et les aider à créer leur propre blog.
La présidente du CADEF nous a expliqué que son association, reconnue officiellement en avril 1991, était la première ONG nationale à intervenir dans le cadre des Droits de l'Enfant et de la Femme, en référence aux deux conventions internationales : la Convention du Droit des Enfants (CEDE) et la Convention sur l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF).
Etant la seule ONG féminine officielle et opérationnelle, le CADEF a participé aux travaux de la Commission Constitutionnelle en 1991, ce qui a permis au Mali d'être l'un des premiers Etats africains à faire référence aux droits de l'enfant et des minorités dans sa Constitution, dès le préambule.
Dès les premières élections démocratiques, au sein d'un réseau de cinq ONG (constitué avec le COFEM, l'AJM, l'ODEF et l'APDF), le CADEF a soutenu les femmes pour qu'elles soient électrices ou qu'elles se portent candidates aux élections locales, régionales ou même nationales.
Le CADEF a été la première ONG membre à titre consultatif de l'ECOSOC pour les Droits Humains de la Femme et de l'Enfant. Sa présidente est également experte auprès de cette organisation rattachée à l'ONU.
Aujourd'hui, l'association compte quatre membres permanents et deux à temps-partiel, auxquels il faut ajouter de nombreux bénévoles.
Le CADEF a pour mission d'entreprendre au Mali, en Afrique et dans le monde, des actions qui contribuent à l'application de la Convention de l'ONU sur l'Elimination de toutes les formes de Discrimination à l'égard des Femmes ainsi que de la Convention Internationale sur les Droits de l'Enfant.
Ses objectifs sont :
A la fin de notre entretien en 2004, Mme Diallo Soumaré a insisté sur les changements qui touchent les situations des femmes au Mali. Même si « c'est surtout théorique, il existe une vraie volonté politique » et un engagement des administrations et des syndicats pour la promotion de la femme. Comme les dernières élections en témoignent, de plus en plus de femmes sont également présentes au gouvernement ou ont accès à des postes à responsabilités, en tant que directrices, conseillères ou ambassadrices. Actuellement, il y a 4 femmes ministres, 14 femmes députés, et 200 à 300 conseillères. Mais le plus important reste la prise de conscience de plus en plus forte des femmes du rôle qu'elles ont à jouer dans leur pays.
L'association a aujourd'hui un grand nombre de difficultés à surmonter. En effet deux coordinatrices sont décédées entre fin 2007 et juillet 2008 et, la présidente, moteur actuel de l'association, s'est faite opérer du visage et n'a pu assurer ses fonctions pendant plusieurs semaines. Enfin, l'association manque cruellement de soutien organisationnel et financier. Hadja Aïssa Diallo Soumaré a préparé de nombreux dossiers pour des projets qui lui tiennent à coeur, ne souhaitant pas rompre avec la mentalité de l'association en acceptant des financements pour des projets déjà définis ne respectant pas forcément les objectifs de la CAFEM. Si l'association connaît actuellement ces graves difficultés, elle espère cependant, grâce à son dynamisme, à la motivation des membres mais aussi à son expérience, se remettre à flot dans les prochains mois.